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Lizeth Heliandil BGS#4 : La Croisée des Chemins – par Orriath Aryndion

La Croisée des Chemins
par Orriath Aryndion

 

Rosalynd était partie depuis la veille du Val de l’Anduin lorsqu’ Orchysdal se décida enfin et nous rassembla dans la cour de la maison principale.

– Mes amis, Rosalynd a décidé de partir seule hier vers Caras Galadhon. La distance entre ici et Caras est à plus de cinq jours de galop, sans compter le Marais des Champs aux Iris infranchissable à cheval. De plus, ces terres regorgent d’Orques …

Je vis le chef hésiter un moment en baissant les yeux avant de reprendre.

– Je doute qu’elle réussisse seule, dit-elle d’une voix hésitante. Il lui faudrait notre aide, bien qu’elle le nie. Et, si nous ne la retrouvons pas … Caras est un lieu sûr d’où nous pourrons repartir vers Bree.

Un léger brouhaha s’éleva de l’assemblée réunie sur les graviers de la cour. Les uns discutaient les raisons pour lesquelles Rosalynd nous avait quitté, les autres décrivaient les dangers de la route aux plus jeunes, ou encore pour ceux qui étaient déjà allés dans la demeure de la Dame de la Lórien, racontaient la majesté de ce lieu extraordinaire. Je vis Siloinsiproche rire au nez de Gabwindiel qui lui narrait son aventure en Lothlórien. Orchysdal était descendue des quelques caisses empilées lui servant d’estrade, et parlait avec Eljoying, sûrement de notre départ. Seul Amynduilas restait assis en tailleur, pensif. Son esprit devait tourner autour des mêmes questions de beaucoup d’entre nous : « Pourquoi Rosalynd nous a quittés ? Où est-elle ? Survivra-t-elle à ces terres dangereuses ? » Mais ses yeux profonds me donnaient déjà sa réponse, Amynduilas et Rosalynd se retrouveraient un jour, quoiqu’il en soit. Mon esprit se dirigea soudainement vers Rosalynd. Je me posai les mêmes questions. Je n’eus qu’une image : la dernière fois que j’avais vu l’Elfe, tremblante derrière la maison, lors du combat contre Belariforg. Mes pensées s’acheminèrent ainsi jusqu’à la Béornide que j’avais sauvée d’une mort certaine, Irileith. Je me levai et m’approchai d’Orchysdal. Un pesant silence se fit.

– Oui, oui ? me demanda Orchysdal qui m’avait vu venir.
– Irileith est toujours couchée. Un ami d’ici, Athrador, a dit qu’elle ne se réveillerait pas avant demain et qu’elle ne pourra continuer le voyage que dans au moins une petite semaine. Peut-être devrions-nous l’attendre ?
– Non, je suis désolée pour elle mais nous ne pouvons pas nous permettre de l’attendre. De plus, elle est chez elle ici, elle ne risque rien.
– Elle ne risque rien ? m’emportai-je. Elle a failli se faire tuer par l’un de son peuple. Elle n’est pas plus en sécurité ici qu’ailleurs et sa place est parmi nous, sa nouvelle famille.
– Hé, calme-toi, rétorqua Eljoying. Nous n’y pouvons rien, et nous n’allons pas laisser des membres de la confrérie derrière nous pour surveiller quelqu’un alors qu’elle est chez elle.
– C’est une bonne idée, pourtant ! m’exclamai-je.
– Oui, mais je doute que quelqu’un veuille rester ici, expliqua Orchysdal.

Eljoying, Orchysdal et moi nous retournâmes pour balayer l’assemblée immobile, comme soudainement figée sur place. Je regardais chaque visage, rencontrant ceux que je connaissais bien, d’autres moins bien. Pas un seul ne traduisait un courage volontaire. Même Siloinsiproche, qui nous avait amené Irileith, ne montrait aucun signe d’un quelconque acte de volontariat. En voyant tous les membres de notre famille ne montrer aucune générosité envers Irileith, je me mis à me poser cette question. Bien sûr, je voulais moi aussi sauver Rosalynd, comme elle l’avait fait pour moi dans les Monts Brumeux, contre l’énorme bête qui avait tué Galaenthir. Mais, lors du combat contre Belariforg, j’avais perçu une grande détresse venant de la jeune Béornide, et je commençais peut-être à ressentir un début d’amitié à l’égard d’Irileith. Au fond de moi-même, je me sentais obligé de rester pour veiller sur notre jeune sœur. Je pris une grande inspiration et dis :

– Vous avez raison …

Tout le monde porta ses yeux sur moi, l’un des plus jeunes capitaines sans expérience.

– Je resterai auprès d’Irileith.

Je savais très bien ce que ces paroles signifiaient : laisser partir sa famille, se sacrifier pour une jeune sœur en détresse. Je pesai encore la dure réalité de ces mots quand les Cavaliers Solidaires me remercièrent pour cet acte courageux.

– Très bien, accepta Eljoying.
– Tu sais combien Rosalynd compte pour nous, merci beaucoup Orri, dit Amynduilas avec un sourire attentionné.
– En plus, tu es le seul à avoir affronté à mains nues ce terrible Béornide, me tapa amicalement Siloinsiproche à l’épaule.

Je m’écartai du groupe, perdu dans mes pensées. Orchysdal remonta sur les caisses et commença à donner ses ordres et l’heure de départ prévue pour un peu plus tard en début d’après-midi.

***

Les Cavaliers Solidaires s’étaient rassemblés pour un dernier repas au Carrock et en même temps pour remercier la généreuse hospitalité des Béornides. Ne me considérant plus vraiment comme un Cavalier Solidaire, je ne m’étais pas joint à cette heureuse compagnie. Assis sur une charrette de vivres au dos de la maison principale, je voyais bien les feux allumés par les meilleurs d’entre eux et ce qu’il se passait autour. Le groupe était animé par des ménestrels usant de leurs talents et instruments pour amuser les convives. Siloinsiproche chanta un air profond des cavernes naines, Hemmatome et Chanterrelle les joyeux tons du printemps de la Comté, Gabwindiel les longs et radieux chants elfiques de la Lórien. De temps à autre, un ours se joignait au spectacle pour montrer ses talents d’acrobatie. Habricotine s’amusait avec un grand ours noir à rugir aussi fort que lui et éclatait de rire juste après. La joie était à son comble … mais moi, je restai impassible à toute cette joie et à toute compagnie.

– Tu ne veux pas te joindre à nous ? me demanda Orchysdal qui portait des chopes de bières.
– Oh, non pas trop, lui répondis-je les yeux toujours vagues.
– Tu sais, Orri, tu n’es pas obligé de rester. Irileith est chez elle. Je doute que Belariforg l’attaque à nouveau.
– J’en doute. Il a vu ce que j’étais et dès que je serai parti, il n’aura aucune pitié. Je me sens un peu son protecteur maintenant.

Orchysdal admira mon silence.

– Même si j’ai une dette immense envers Rosalynd, je ne peux pas abandonner Irileith.
– Tu nous rattraperas une fois Irileith guérie.
– Non, je ne me sens déjà plus un Cavalier Solidaire, Orchys. Vous poursuivrez votre route, vous retrouverez Rosalynd, vous la sauverez, mais moi … je resterai ici jusqu’à ce qu’Irileith aille mieux. Puis je retournerai en Gondor servir le Prince. La vie reprendra son cours et cette aventure sera vite oubliée. Je redeviendrai un cavalier solitaire, sans l’être vraiment. Un aventurier cherchant chemin et compagnie.
– Tu nous rattraperas une fois Irileith guérie, répéta Orchysdal tendrement.

Je ne pus rien répondre. Je me contentai de lui rendre son sourire affectueux et accepta la pinte qu’elle me tendit. La chef m’apportait un léger bonheur instantané, une joie du moment qui me fit oublier mes dures décisions. Elle m’envahit mais ne fut pas assez forte pour vaincre ma tristesse. Ainsi, lorsqu’ Orchysdal repartit vers la fête, je restai à nouveau seul dans l’ombre à réfléchir.

***

Orchysdal donna le signal de départ et la longue colonne des Cavaliers Solidaires se mit au pas, me saluant de leurs mains. En les voyant continuer leur route sans moi, je fus presque pris d’un profond regret, mais je me considérais maintenant le protecteur d’Irileith : je me devais de rester auprès d’elle.

Le soleil était encore bien haut quand je me dirigeais tranquillement vers la cabane. Mon ouïe suffisamment aiguisée perçut un léger craquement de branches sous un poids lourd. Je m’arrêtai brusquement pour laisser couler un silence quasi parfait. Seule une respiration rauque se faisait entendre dans les buissons quelques mètres derrière moi. Je compris ce qu’il allait se passer alors que mon sang alerté n’avait pas encore achevé de faire un tour. Soudainement, je me mis à courir aussi vite que le vent vers la cabane d’Irileith que je devais protéger de cet attaquant. Jaillit alors des buissons une immense forme d’ours enragé. En arrivant sur le chemin principal du village, le séparant en deux, je me maudis de n’avoir pris aucune arme et vu la distance qu’il me restait à parcourir, Belariforg serait sur moi avant que je n’atteigne ma protégée. Mon cœur battait de plus en plus vite et mes muscles voulaient stopper mon corps tout entier, mais comme j’arrivais en vue de la cabane, je me forçai à courir plus vite. Belariforg gagnait du terrain et n’était plus qu’à quelques mètres de moi.

Je me fis brusquement projeter vers l’avant. Je ressentis une étrange douleur dans le dos et un liquide chaud ruisseler le long de celui-ci. Ma vue se brouilla un instant et je m’écroulai, blessé. Belariforg m’enjamba comme si je n’étais qu’une vulgaire brindille. Il se plaça devant la porte de la cabane et l’abattit d’un violent coup de patte. Une douleur presque insoutenable m’envahit mais ma ferme volonté l’emporta. Je me relevai et me remis sur pied. Je connaissais déjà l’issue de ce combat désespéré, pourtant, je voulais affronter mon tragique destin. Alors que je m’apprêtais à interpeller l’ennemi qui fouillait la cabane, un puissant grognement s’éleva derrière moi. Virevoltant, je vis un ours de taille moyenne qui me regardait. Il déposa l’épée qu’il tenait dans sa gueule au sol, toujours dans son fourreau. Je compris alors que la bête n’était autre qu’Irileith. Mais alors que je ramassais mon arme, le Béornide rugit à son tour et se jeta sur sa sœur. Un nouveau combat titanesque s’engagea. Belariforg avait encore le dessus et je me sentais, cette fois-ci, absolument inutile.

Ma blessure dorsale me faisait souffrir mais je fus tiré de mes maux par un effroyable rugissement de douleur d’Irileith. J’examinais rapidement la situation et vis la faille du terrible Béornide : sa patte arrière gauche. Je m’approchai de ma cible, j’enfonçai mon dard dans sa cuisse. L’ours se leva, hurlant de douleur. Il se retourna vers moi et me balaya d’un coup de patte. Je tombai sur le dos, ce qui me coupa le souffle. Belariforg se débarrassa d’Irileith d’un coup de griffe au visage et s’avança vers moi. Je repris mon épée, m’accroupis et attendis que la bête vienne sur moi. Le monstre me chargea. D’un rapide mouvement sur le côté, je me déplaçai et essayai de transpercer l’ours. Je ne fis que couper sa peau sans atteindre sa chair. Belariforg se remit face à moi, prêt à charger à nouveau. Puis, contre toute attente, il se dressa sur ses pattes arrières, rugit et s’enfuit dans les bois.

Épuisé, je me précipitai vers Irileith qui avait repris sa forme humaine, une nouvelle blessure barrait son jeune visage ainsi que son bras droit.

– Irileith vous doit une deuxième fois la vie, merci, murmura-t-elle avant de tomber, inconsciente dans mes bras.

Catégories: BG spéciaux Fanfiction LOTRO

Solena

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