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Lizeth Heliandil BG#71

J’avais laissé mon cheval et mes armes, ne gardant que ma dague au côté, avant de traverser en courant le pont de cordes. Au moment où je posai le pied sur le chemin recouvert de cendre, je stoppai net, n’en croyant pas mes yeux. Je fis le tour de l’endroit : des maisons, des magasins, ravagés par le feu. Depuis quelques semaines, n’est-ce pas ? Peut-être quelques mois. Je n’avais pas attendu d’en savoir plus, les Malledhrim de l’auberge avaient sûrement plus de détails à ce sujet, mais j’en mettais ma main à couper que cela avait dû être perpétré par les mêmes individus qui avaient enlevé ma mère et ma sœur.

Je me dirigeai vers l’arrière du village, là où la forêt reprenait ses droits. Je voulais m’éloigner le plus du groupe pour ne pas être dérangée. J’avais besoin de réfléchir.

***

 

La pluie s’était arrêtée de tomber et son rideau semblait s’ouvrir sur la vue de mon village dévasté, calciné. Les arbres aux alentours étaient morts comme pour rappeler que plus rien ne pouvait vivre ou pousser là. La lune était timide ce soir, mais elle éclairait parfois la cuvette où j’avais passé mes premières années.

Je me trouvais sur une plateforme de terre et de pierres en hauteur, surplombant la scène, et je repensais à ces moments de calme où je regardais l’un des bûcherons travailler, ou plus agités, lors de nos courses poursuites, nos parties de chasse, ou même nos disputes, auxquelles participait avec moi Kintyra. Je regrettais d’être partie, et en même temps, qu’aurais-je pu faire contre cette catastrophe ? Peu importait ce qu’il s’était passé ici, j’étais vivante, et tout le monde était mort. Une vague de culpabilité m’envahit.

Une brise souffla, et je frissonnai. Mes vêtements trempés me collaient la peau. Ma mâchoire inférieure trembla alors, mais je me retins de me frictionner les bras pour tenter de me réchauffer, maudissant ma fuite. Non, j’aurais dû être avec eux. Quand le groupe de Semi-Orques était venu pour le pendentif, j’aurais dû être présente. Et connaissant maintenant l’objectif de Gologmolva, il aurait probablement trouvé un moyen de me faire porter et utiliser le bijou, peut-être même aurait-il usé de chantage. Le village ou l’obéissance. A l’époque, j’aurais choisi de le suivre et de lui obéir comme un chien le fait avec son maître, pour sauver les habitants. Maintenant… maintenant, je ne savais plus.

Mes mains entourèrent malgré moi mes bras, et je mis un temps fou à me détendre, mes muscles crispés par le froid. Après quelques secondes, j’entendis les feuilles craquer sous les pieds d’Amynduilas. Il était là, depuis le début, en retrait. Il n’avait pu que me suivre, à cause de mon pendentif, et ça me mettait en colère. Il posa sa cape sur mes épaules, et je sentis immédiatement une agréable chaleur. Mon irritation diminua.

– C’est étonnant, commençai-je en continuant de regarder le paysage distraitement, on pourrait nous suivre à la trace. Un sillon de malheur et de destruction.
– Ce n’est pas ton œuvre, sinon celle de Gologmolva, déclara Amynduilas.
– J’en fais pourtant partie, dis-je en soupirant.
– Ne te sens pas coupable pour autant.
– Je devrais sentir de la colère, comme a dit Siloinsiproche, peut-être ? Je rêve depuis un moment de pouvoir écraser le cœur de Gologmolva au creux de ma propre main, dis-je en joignant le geste à la parole.

Le Chasseur se positionna à ma droite et me fit pivoter vers lui, tout en prenant mon poing toujours serré dans sa main. En levant les yeux, je vis qu’il avait le regard un peu fâché et qu’il s’efforçait de l’adoucir.

– La violence ne te va pas du tout, Lizeth Heliandil, commenta-t-il, esquissant un léger sourire.
– Non. Tu as raison, avouai-je après quelques secondes de silence. J’ai besoin de vous tous pour pouvoir avancer, c’est à peine si je peux faire un pas devant l’autre sans penser à en finir tout de suite. Ça serait tellement plus simple, pourtant.
– Heureusement que nous sommes là alors… pour te mettre des bâtons dans les roues et t’empêcher d’en finir tout de suite.

Le pire dans tout cela, c’était que ce n’était pas si simple. Chandra m’avait mis en garde contre les effets aléatoires de la destruction du pendentif. Elle m’en cachait encore tous les détails, mais j’avais l’impression qu’elle croyait en partie ce qu’elle disait. Elle ne pouvait pas tout prédire, et l’esprit avait préféré rester muet. Alors je m’étais résolue à abandonner l’idée de l’autodestruction, dans le doute.

– C’est de l’histoire ancienne, déclarai-je. Je compte bien être présente quand Gologmolva mangera la poussière. C’est vrai, il a dépassé les bornes en…

Mon regard se tourna vers les restes brûlés de mon village. Je ne pus finir ma phrase, et le silence retomba entre nous. Puis sans prévenir, Amynduilas m’attira contre lui. La surprise me coupa le souffle alors que je me blottissais contre sa poitrine, et pendant une seconde, je ne sus comment réagir. J’étais sonnée par la situation, mes pensées se vouant une petite bataille dans ma tête. La colère, la tristesse, la frustration. Et voilà qu’une inondation de chaleur coulait au milieu de la tempête. Une vague de compassion et de tendresse essayait de tout balayer sur son passage. Et pendant une seconde, j’ai cru que j’allais la rejeter. Ça avait été trop soudain, je n’y étais pas préparée. Et pourtant, je l’ai finalement acceptée, et je me rendis compte que j’en avais besoin.

Nous restâmes ainsi, dans les bras l’un de l’autre, pendant plusieurs minutes. Je n’avais aucune envie que ce moment s’arrête, mais je finis par m’écarter un peu de lui. Je voulais le regarder dans les yeux et lui dire à quel point je lui étais reconnaissante de m’épauler et de m’apporter du réconfort alors que tout autour de nous semblait s’effondrer.

Il ne m’en laissa pas le temps. Tout en me gardant assez proche de lui d’une main, il se concentra sur le bord de mon visage avec l’autre et entreprit d’écarter une mèche de cheveux mouillé avant de me caresser la nuque. Je n’avais pas encore redressé la tête et il ne vit pas mes joues prendre feu. Il attendit quelques secondes que je puisse réguler les battements de mon cœur puis il approcha doucement son visage au mien. Mes mains agrippèrent inconsciemment ses vêtements. Je ne savais pas vraiment quoi faire d’autre, j’avais les jambes qui étaient devenues du coton avant même qu’il n’y ait eu contact. Je sentis son souffle tiède près de mes lèvres. L’ambiance devint alors électrisante.

illustration par Kriniere

 

– LIZETH ! explosa soudain la voix de Chandra dans mon esprit.

Je réagis instantanément. Je poussai Amynduilas en arrière de toutes mes forces, et nous tombâmes au sol. Au même moment, un éclair apparut de nulle part et toucha le sol dans un grand vacarme. Le sol trembla sous l’impact, et je sentis une très désagréable sensation dans mes pieds. Je ne pus cependant pas m’inquiéter davantage pour nous, car la plateforme sur laquelle nous étions commençait déjà à s’effondrer.

– VITE ! criai-je à Amynduilas en l’incitant à se relever.

Nous réussîmes juste à nous mettre sur les genoux, et je ne pus que penser à la pente verticale qu’il y avait en dessous de nous. La chute ne serait pas forcément fatale, mais j’espérais tout de même l’éviter.

Après un bref coup d’œil, nous vîmes les racines d’un arbre situé en dehors de la zone d’impact. Amynduilas en mit la main sur une quand nous perdîmes pied, et il m’attrapa la main au dernier moment. Une seconde plus tard, nous étions suspendus au-dessus du vide, mais plus en danger immédiat. Les arbres de la Forêt Noire avaient beau être plutôt décharnés, ils n’en étaient pas moins solides.

– Tu peux essayer de monter ? me demanda Amynduilas avec un calme surprenant.

Il me hissa vers une autre racine qui me permit de retrouver le contact de la terre ferme quelques pieds plus haut. Un instant plus tard, nous reprenions notre souffle sur le manteau de feuilles mortes.

– Cet éclair venait d’où exactement ? s’étonna le Chasseur.
– Bon sang, si Chandra ne nous avait pas prévenus… commençai-je.
– Si j’avais eu envie de vous tuer, je n’aurais pas visé à côté.

Je relevai la tête, les yeux écarquillés de surprise. Qui venait de parler ? Je consultai Amynduilas du regard et constatai que cela ne venait pas de mon imagination. Il fronçait les sourcils, le regard tourné vers une zone derrière moi, d’où provenait la voix.

– Sortir les armes des fourreaux ne vous sera d’aucune utilité, renchérit l’ombre qui apparut devant nous, sortant de derrière un arbre.

Je ne décollai pourtant pas la main du manche de ma dague. Quelques secondes plus tard, la lune éclaira le visage de l’inconnu. Sa peau d’albâtre faisait contraste avec ses cheveux noirs. La sacoche qu’il portait au côté me permit de l’identifier comme étant un gardien des runes. Et je pinçai les lèvres en reconnaissant le personnage. Une bouffée d’émotions me brûla l’intérieur de mes entrailles.

– Eli ? Elidrir, c’est vraiment toi ? émis-je la voix brisée et les larmes aux yeux.

Catégories: BG de Lizeth Fanfiction LOTRO

Solena

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