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BGS#10 : Garde très rapprochée

Ce jour-là, j’avais été assigné au poste de garde personnel de Dame Galadriel. Alors qu’habituellement j’étais relégué à des tâches de surveillance plus communes et périphériques à l’entourage de la Haute Elfe, j’avais été surpris que le Capitaine de la Garde m’affecte tout à coup à la protection directe de Dame Galadriel. L’opportunité de pourvoir à la sécurité de Dame Galadriel était le plus grand honneur auquel je pouvais aspirer en tant que soldat Galadhrim. Cette première mission était une escorte : la Dame de la Lorién devait se déplacer vers l’Ouest, au delà des Monts Brumeux et des mines de la Moria. Le Capitaine m’avait affirmé qu’il s’agissait là d’une épreuve qui jugerait de mes capacités à faire face à plus de responsabilité. Il avait ajouté que la mission ne devrait pas être trop mouvementée et que je ne pouvais me permettre de faire le moindre faux pas compte tenu de la simplicité de cette dernière. Il avait dit tout cela avec le plus grand calme, et comme à l’accoutumé, je respectai ses ordres, persuadé que les prochaines journées seraient tranquilles.

Une fois arrivés et installés en haut d’une colline à l’ouest de Bourg de Touque, on nous informa que le groupe de personnes que nous venions voir était sur le chemin de la tente de Dame Galadriel. J’étais posté juste à l’entrée, à l’intérieur de l’abri et ne quittai pas des yeux ma Souveraine. Elle était assise sur un fauteuil en osier et attendait patiemment ses invités en passant les doigts de la main à la surface de l’eau d’un récipient plat posé sur la table basse à sa droite.

Une Elfe aux cheveux courts bruns entra en premier. Elle était suivie de près par une autre Elfe, au regard tout aussi sévère que sa compagne. Le regard de Dame Galadriel se fit plus intense lorsqu’une troisième Elfe entra dans la tente. Elle avait les cheveux noirs, bien qu’il fut évident qu’il ne s’agissât pas de sa couleur naturelle. Elle portait une chemise blanche et un pantalon vert simple serré à la ceinture par une corde de chanvre. La tension était à son comble dans la pièce, mais elle tomba lorsque les deux derniers invités entrèrent.

– Lizeth Heliandil, je ne crois pas que nous nous soyons déjà rencontrées, dit Galadriel après s’être levée de son fauteuil. Pas ici en tout cas.

La Dame de la Lorien convia alors les arrivants à s’asseoir sur les coussins. L’atmosphère était étrange, et le dialogue semblait essentiellement se centrer sur ma maîtresse et sur cette Elfe qui répondait au nom de Lizeth, bien que parfois une Humaine aux cheveux de feu appelée Moela participait avec véhémence. Je compris que Lizeth était accusée d’avoir assassiné bon nombre des membres de la confrérie des Cavaliers Solidaires, dont leur chef et le petit ami de cette Humaine. Dame Galadriel ne chercha pas à retenir cette dernière quand elle s’emporta et quitta la tente. Je ne pus m’empêcher de penser que Moela avait raison quand elle affirmait que Dame Galadriel se contredisait. L’histoire qui se racontait n’avait ni queue ni tête, et j’avais du mal à concevoir que Lizeth venait d’une réalité alternative dans laquelle elle n’avait tué aucun de ses compagnons et dans laquelle les rencontres ou non de certaines personnes avaient changé le cours des choses. La chef du groupe s’excusa alors pour le comportement de Moela et demanda congé pour elle et ses compagnons, disant à voix haute ce que tout le monde pensait à voix basse. Leur présence n’était pas requise, encore moins pour écouter des démonstrations sur des évènements qui n’étaient jamais arrivés.

– Alors, Lizeth, tu as dû avoir du temps pour y réfléchir, reprit Dame Galadriel après que le calme soit revenu. Tu n’as plus la même conscience que celle d’il y a quelques semaines, n’est-ce pas ? Où crois-tu que l’autre s’en est allée ? Crois-tu qu’elle ait disparue tout comme cet Amynduilas ?

Dame Galadriel regardait Lizeth avec intensité en attendant sa réponse.

– J’ai eu le temps d’y réfléchir. A dire vrai, il n’y a que deux possibilités : soit cette conscience s’est forgée d’elle-même, soit Gologmolva est arrivé à ses fins et Chandra, l’esprit de mon pendentif, a pris le dessus, prenant possession de mon corps. 
– Je pense qu’il puisse s’agir des deux. Pour y arriver, Gologmolva aurait forcément eu besoin d’une personne influençable dont Chandra pouvait se jouer. Sans la guidance d’Amynduilas, ton esprit n’a écouté que son désir de vengeance et s’est laissé manipuler par Gologmolva.
– Dans ces deux cas, lorsque mon pendentif a été brisé dans ma réalité, cela a permis à ma soeur Kintyra d’enfermer ma mauvaise conscience dans un coffret. Ou Chandra a disparu elle aussi et il n’y a rien dans cette boîte.
– En supposant qu’elle y soit, penses-tu qu’il serait possible de la raisonner ? Ses connaissances pourraient nous être précieuses pour ramener Amynduilas et son souvenir.
– Il m’a fallu de nombreuses semaines de cohabitation pour y arriver la première fois. Nous sommes passées par de dures épreuves qui ont engagé notre survie à toutes les deux. Je ne saurais dire si une simple conversation pourrait amener au même résultat.
– Et si l’esprit de Chandra de ta version de la réalité avait pris la place de celui d’ici ?
– Oh non, Dame Galadriel, je ne pense pas qu’elle ait fait le voyage jusqu’ici. Elle m’avait prévenu des conséquences si le pendentif venait à être détruit, et si Amynduilas a disparu, il y a de fortes chances qu’elle aussi.
– Alors comment se fait-il que l’on ait ici une autre version de Chandra et pas une de ton ami Chasseur ?

Dame Galadriel venait d’appuyer sur une zone sensible. Je commençais à mieux comprendre la situation, et je sentis un pincement en pensant à Lizeth. Celle-ci fit la grimace.

– En fait, Lizeth, reprit ma maîtresse, pour être franche avec vous, j’ai une théorie sur le sujet : en effaçant l’existence d’Amynduilas, le Monde a dû se recréer complètement sur une période de près de quatre-vingt-dix années. Cela a dû engager une puissance phénoménale ! Que penses-tu qu’il se serait passé s’il avait dû le faire pour une période égale à l’existence de Chandra ? Nous parlons ici de milliers d’années !
– C’est tout simplement injuste, Galadriel.
– L’Univers a décidé de la vie et de la mort d’une dizaine, peut-être d’une centaine d’individus, ou plus, sur le seul fait qu’Amynduilas n’ait jamais vu le jour. Il a effacé le Chasseur de la mémoire de tous ceux qui sont restés pour se préserver. Il a considéré qu’il pouvait se le permettre.
– Mais il aurait été moins cruel, et pas plus difficile, de faire de même avec moi.

Galadriel prit un air peiné. Je me rangeais également de son côté, Lizeth devait chérir les souvenirs de son ami au lieu de les considérer comme une malédiction. La Dame de la Lorien ne tarda pas à s’exprimer à ce sujet :

– Vous êtes encore sous le choc, Lizeth, mais cela passera. C’est au contraire encourageant que vous vous souveniez de lui. Cela signifie que son âme n’est pas complètement perdue. L’Univers vous aura fait là un cadeau pour vous indiquer qu’il y a de l’espoir.
– C’est une façon de voir les choses…Mais alors, que pouvons-nous faire ? Existe-t-il une magie capable d’annuler ce qui a été fait ?
– Le pouvoir du pendentif s’est nourri pendant des millénaires et il serait bien impossible pour nous de le reproduire. En revanche, si nous en savions plus sur le sort qui a permis sa création, nous pourrions peut-être faire quelque chose. Gologmolva et Chandra sont les seuls à pouvoir nous répondre, mais Gologmolva a été tué et Chandra, si elle se trouve vraiment dans le coffret que détient la chef de ta confrérie, sera loin de vouloir nous révéler ses secrets…

Galadriel sembla se plonger dans ses pensées, en intense réflexion. Quelques secondes supplémentaires s’écoulèrent quand soudain, Lizeth posa la main sur sa poitrine et poussa un cri. Je mis la main sur la garde de mon épée, prêt à agir.

– Lizeth ! Que se passe-t-il ?! lui demanda Galadriel en s’approchant d’elle. 

Le contact de la paume de sa main sur l’épaule de l’Elfe eut pour conséquence de lui faire pousser un nouveau cri. Ma maîtresse se redressa et je vis sur son visage une grande inquiétude.

– Le pendentif… réussit à prononcer Lizeth. Orchys !
– Allez la trouver ! m’ordonna Galadriel.

Je réagis instantanément et sortis de la tente. En soulevant le lourd tissu faisant office d’entrée, j’entendis le remue-ménage à l’extérieur. Je me retournai une seconde et vis que Dame Galadriel me suivait, et tant bien que mal, que Lizeth lui emboîtait le pas. Sa respiration était de plus en plus difficile et elle chancelait sur ses jambes.

– Deux cavaliers ont fait irruption dans le camp ! annonça l’un des autres gardes. Ils ont foncé sur le groupe des invités, et avant que nous n’ayons pu réagir, ils repartaient au grand galop !
– Orchys, tu vas bien ?! demanda Eljoying en accourant vers eux.
– Oui, je vais bien, mais ils ont pris le coffret avec le collier de Lizeth… répondit la chef des Cavaliers Solidaires.
– Mais avec tous les soldats ici, comment est-ce arrivé ? s’emporta-t-elle, en se dirigeant vers Dame Galadriel.
– Ce qui est fait est fait, pensons plutôt à…

Lizeth tomba à genoux en gémissant. La douleur devait lui être insupportable. De grosses perles de sueur avaient fait leur apparition sur son front. Elle était également d’une pâleur à faire peur.

– Apportez tout de suite un cheval ! me demanda Dame Galadriel.
– Bien, répondis-je, tout de suite ma Dame.

Quelques secondes plus tard, je revins avec une monture et j’aidais à hisser Lizeth sur la selle.

– Poursuivez ces cavaliers ! Sa vie en dépend ! Elle saura les retrouver ! Je compte sur vous, Uilrandir.

Surpris que Dame Galadriel m’appelle par mon prénom, je ne tardai cependant pas à réagir et je montai aussi en selle, entourant la taille de l’Elfe avec l’un de mes bras tandis qu’avec l’autre je tenais la bride de mon cheval.

Alors que nous nous éloignons, j’entendis Orchysdal et Eljoying s’entretenir avec véhémence avec Galadriel. Je remarquai que Lizeth venait de perdre connaissance.

***

Lorsque Lizeth revint à elle, l’obscurité de la nuit avait remplacé celle qu’elle venait de quitter. La lune était nouvelle, si bien qu’aucune lumière ne nous parvenait. Dans cette nuit d’encre, elle était allongée sur un lit de feuille, et je lui avais posé une couverture pour lui tenir chaud. Elle se redressa sur sa paillasse de fortune et elle me dévisagea alors que j’étais affairé à dérouler une autre couverture.

– Vous êtes réveillée, cela me fait plaisir, dis-je en lui souriant.
– Où sommes-nous, … hum, commença-t-elle.
– Je suis Uilrandir de la Garde personnelle de Dame Galadriel.

J’avais essayé de me présenter avec le plus de sérieux possible, mais un peu stressé, j’avais fini ma phrase par un petit rire nerveux. Lizeth haussa légrement le sourcil, et mon coeur fit un bond dans ma poitrine.

– Je suis Lizeth Heliandil, continua-t-elle, mais cela, vous devez déjà le savoir, Uilrandir. Vous ne m’avez pas répondu, où nous trouvons-nous ?
– Nous sommes aux pieds des Montagnes Bleues. Il faisait trop sombre et je ne voulais pas risquer nos vies en brisant les pattes de mon cheval. Vous semblez aller mieux, Lizeth.
– Je supporte mieux, mais cela s’arrête là, répondit-elle un peu sèchement. Ils vous ont laissé m’emmener pour poursuivre ces voleurs tout seul ?
– Sur ordre de Dame Galadriel.
– Ca semble prémédité. Elle a peut-être vu ce qui allait se passer… soupira Lizeth en se rallongeant sur le dos.
– Je vais préparer de la soupe avec quelques ingrédients séchés que j’avais avec moi, cela vous tente ? lui avais-je alors demandé, non désireux de m’aventurer dans une conversation visant à critiquer ma maîtresse.

Lizeth fronça les sourcils, mais, levant les yeux au ciel, acquiesça.

 

Catégories: BG spéciaux Fanfiction LOTRO

Solena

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