Je ne voyais ni n’entendais rien, et j’avais l’impression de flotter dans le vide. Cela n’était pas spécialement désagréable car j’étais épuisée de mon voyage, et je pouvais enfin me reposer un peu. Cependant, au bout d’un moment, je ne pus m’empêcher de repenser à ce qui m’avait amené ici. J’avais beau essayer de retracer mon parcours, je ne parvenais pas à mettre la main sur les derniers instants lucides que j’avais passés. Kintyra et moi étions arrivées à Dol Guldur, et ma sœur m’avait plus ou moins confessé qu’elle avait participé à l’effort de guerre dans le camp ennemi mais qu’elle n’avait été motivée que par le besoin de protéger Mère. Je n’avais alors su quoi penser, me mentait-elle, ou était-elle aussi innocente qu’elle voulait me faire croire ? Puis plus tard nous étions entrées dans la chambre de Mère, et cette dernière nous avait accueillies. C’était à partir de ce moment que mes souvenirs étaient devenus étrangement flous. Au moment où je pensais me rappeler de ce qu’il se passait ensuite, j’avais le sentiment d’être retenue et projetée en arrière, comme si quelque chose m’empêchait de découvrir ce qu’il en était. Mon esprit se fatigua des tentatives. Je préférai revenir à l’obscurité et au silence.
– Lizeth… chuchota une voix près de moi. Lizeth…
– Oui ? répondis-je, intriguée. Qui êtes-vous, où êtes-vous ?
– Laisse-moi d’abord te sortir de là, je vais prendre ta main, es-tu prête ?
– … oui, je pense que oui.
Je sentis des picotements sur ma main droite et une légère pression. Tout à coup, tout s’illumina et je plissai les yeux, éblouie. Au bout de quelques secondes, je découvris où je me trouvais. Il s’agissait d’une tout petite île. Elle était entourée d’eau et aussi loin que je pouvais voir, il n’y avait rien autour. Mis à part une grande pierre plate au centre de l’îlot, l’endroit était dépourvu de relief.
– Asseyons-nous, veux-tu ?
Sa voix me fit sursauter. Il s’avança vers la pierre et s’assit dessus, élégamment. C’était un grand Elfe qui portait un pourpoint blanc brodé d’or et de vert. Ses cheveux blonds encadraient son visage et semblait flotter dans la brise. Il n’y avait aucun souffle d’air autour de nous, pourtant. Ses yeux verts me rappelèrent les miens. Il avait aussi cette fossette sur la joue gauche, qui se creusait alors qu’il me souriait. J’avais la même.
– Tu m’as reconnu, n’est-ce pas ? me demanda-t-il en accentuant son sourire.
– Vous êtes Dhuilin, mon père, déclarai-je timidement.
– C’est exact, je suis heureux de te voir enfin. Tu n’es plus le bébé que tu étais lorsque je suis parti.
Je me demandais ce qu’il faisait là.
– Tu es dans mon esprit, reprit-il comme s’il répondait à mes pensées. J’ai créé pour nous cet espace, pour que nous puissions parler.
– Vous n’êtes pas mort. Je croyais…
– Sssh.. Lizeth, mon enfant, ne parlons pas de moi mais de toi. Ta conscience s’est éloignée du monde réel. Tu ne pouvais plus supporter la douleur.
– Je ne me souviens de rien.
– Je peux t’aider à te souvenir, et à faire disparaître la douleur aussi.

Je me mis à contempler pendant quelques secondes l’eau de l’océan qui nous entourait, l’effet de lumière dans les vagues qui se mouvaient lentement. Je me rendis compte qu’il n’y avait pas de soleil ni de vent. Tout était si calme. Je tournai la tête vers mon père, qui attendait patiemment que je lui réponde. A dire vrai, j’étais plutôt bien dans ce monde spirituel, même dans le mien, bien qu’il n’y ait que l’obscurité. J’étais peut-être d’ailleurs capable de me créer un monde, moi aussi, comme l’avait fait mon géniteur. Je souris à cette pensée, j’avais tellement de questions, et il y avait tellement de temps à rattraper. Cependant, ce qu’il me proposait ne me convenait pas. Pourquoi m’aider à me souvenir ? Avais-je envie de revenir à ce monde de douleurs et de peine ?
– Je vais y réfléchir, Père.
– Prends tout ton temps, Lizeth.
L’océan, l’île et l’image de mon père s’effacèrent d’un seul coup. J’eus l’impression de perdre l’équilibre, mais dans l’obscurité de mon esprit, il n’y avait ni ciel, ni terre. Le fait d’avoir pu voir Dhuilin m’avait apporté un sentiment de soulagement et de douceur. Sa gentillesse et son désir de m’aider étaient grands, mais ce que je voulais restait flou. Tout comme ces souvenirs qui me manquaient. Je me concentrai sur le passé et sur mes motivations. La mission que j’avais entreprise il y a de nombreux mois semblait avoir pris fin. J’avais retrouvé les traces de mon père, et à mon réveil, je pourrais avoir entre les mains de précieuses informations concernant l’endroit où il se trouvait physiquement. Et lors de mon périple, j’avais rencontré les membres de la confrérie des Cavaliers, et j’avais pu grâce à eux avancer et gagner en compétence. J’avais encore beaucoup à parcourir et à apprendre, et il me tardait de les retrouver.
Une lueur devant moi apparut. Elle était assez faible mais elle prit peu à peu la forme d’un Elfe et je reconnus là Amynduilas. Cette apparition me réconforta. A la pensée de mes amis, j’avais dû créer une image du Chasseur. Il avait été mon guide, celui qui m’avait empêché d’abandonner de nombreuses fois. Il avait ce quelque chose que les autres n’avaient pas, et cela l’avait rendu spécial à mes yeux. Je voulais de nouveau être à ses côtés.
Amynduilas prit alors vie, son regard balaya les alentours avec curiosité, sinon avec inquiétude. Lorsque son regard croisa le mien il s’arrêta. Cela dépassait toute compréhension. Il prononça mon nom, et celui qui résonna dans mon esprit comme s’il avait été creux.
– Lizeth… répéta-t-il. Est-ce que tu vas bien ? Où sommes-nous ?
Une conscience bien à elle. Etait-ce vraiment l’esprit d’Amynduilas, venu dans cet endroit créé par le mien ? Si mon père avait pu le faire, d’autres le pouvaient peut-être aussi. Pourvu que ce ne soit pas le produit de mon imagination.
– Nous sommes… dans un endroit à l’écart de la réalité. Un refuge pour mon esprit, ça ne doit donc pas être la forme dans le monde physique.
– Ce n’est pas non plus l’endroit le plus accueillant, me confessa-t-il. Mais dis-moi, Lizeth, cette connexion… Chandra a-t-elle fait quelque chose entre nous ?
Je n’arrivais pas à me souvenir. D’ailleurs, je n’avais même plus pensé à l’esprit de feu depuis que j’étais ici. Puis cela me revint. Avant de laisser le groupe de la confrérie, Chandra m’avait demandé de laisser le pendentif dans les effets personnels d’Amynduilas. Je l’avais mis dans le fond de son sac, espérant qu’il ne le retrouve pas tout de suite. Cela avait été possible depuis que Chandra avait sauvé le Chasseur.
– Oui, avouai-je. En te soignant après le combat contre l’araignée, elle a…
J’hésitai. Tout cela était fondé sur une théorie que Chandra avait trouvée pour empêcher que le pouvoir du collier ne tombe entre de mauvaises mains. Théorie que j’aurais préféré éviter. Néanmoins, l’esprit ne s’était pas gêné et avait profité de la situation pour initier le processus, et il avait impliqué Amynduilas.
– Elle pense qu’il est possible de réinitialiser le pendentif en changeant son propriétaire.
La seule idée de savoir qu’Amynduilas pourrait être le propriétaire du pendentif m’effrayait. Il serait exposé à un grand danger, et je ne souhaitais pas qu’il ait à porter ce fardeau.
– Je ne comprends pas très bien, dit le Chasseur, en quoi cela resoudrait-il la situation ? De ce fait, si l’ennemi s’empare du pendentif, le propriétaire ne changerait-il pas ?
– Oui, bien sûr, mais il ne serait pas réinitialisé. C’est assez compliqué à expliquer, et je ne suis même pas sûre d’avoir tout compris moi-même.
– Maintenant que tu es lancée sur le sujet, et que cela me concerne, j’aimerais en savoir plus.
Il avait raison, j’avais commencé à lui en parler, je ne pouvais pas m’arrêter là.
– D’après Chandra, elle est un esprit ancien, l’une des premières Elfes a avoir foulé le sol de ce monde.
– L’une des Hautes Elfes ?
– Oui. Elle était apparemment douée pour manipuler les forces de la nature, et cherchait à trouver le remède parfait à tous les maux du monde. Seulement, l’une de ses expériences s’est mal passée, et elle a perdu la vie. Son assistant n’a pas eu d’autre choix, pour empêcher son esprit de passer de l’autre côté, de le rattacher à un bijou. Depuis, l’objet est passé de propriétaire en propriétaire, changeant parfois de forme, et a accumulé du pouvoir, un immense pouvoir.
– Hé bien, cet assistant n’était pas n’importe qui ! s’exclama Amynduilas. Il n’est pas facile d’attacher une âme à un objet.
– Chandra n’a pas voulu m’en dire plus à ce sujet.
– Elle n’est pas non plus du genre à laisser passer une occasion d’avoir plus de pouvoir. Tu la connais mieux que moi.
– C’est aussi ce que j’ai pensé, mais elle doit croire que si le pendentif ne possède plus cette puissance, l’ennemi s’en désintéresserait. Il s’agit de siècles, non, de millénaires, passés au développement de la puissance magique grâce aux porteurs.
– J’imagine bien la réaction que ferait Gologmolva en découvrant cela. C’est plutôt une bonne idée.
– Tu n’es pas sérieux j’espère ! m’offusquai-je. Pouvoir ou pas pouvoir, être le propriétaire de ce pendentif est une malédiction !
– Alors je ne veux plus que tu sois maudite. Et j’accepte de porter ce fardeau à ta place.
J’eus envie de riposter, de lui dire que je n’étais pas d’accord, mais le regard qu’il m’avait lancé quand il avait dit cela m’intimait au silence, le regard protecteur qui m’attirait tant chez lui. Il ne changerait pas d’avis. J’étais au bord du désespoir, et en même temps séduite par ce que son offre supposait.
– Et cette histoire de réinitialisation ? me demanda-t-il au bout d’un moment. Pourquoi ne se réinitialise-t-il pas à chaque changement de propriétaire ?
– C’est parce que normalement, le porteur doit être…
Je ne pus finir ma phrase. Je ressentis tout à coup une brûlure au ventre qui se généralisa vite partout ailleurs. Je hurlai de douleur, pliée en deux.
– Le lien s’affaiblit, Lizeth… Tiens bon, on vient t… ! me cria Amynduilas avant de disparaître.
– PENSAIS-TU QUE J’ALLAIS TE LAISSER TE CACHER ? tonna au même moment une voix forte derrière moi.
La silhouette encapuchonnée de Gologmolva s’avança vers moi et de ses bras puissants il me souleva par l’encolure de mes vêtements. J’étais à présent quasiment aveuglée par la douleur.
– J’ai entendu ta petite conversation, petite sotte !! grommela-t-il. Croyais-tu pouvoir évincer mes plans ? Avant qu’ils ne puissent faire quoi que ce soit, je vais faire de ton ami et de toute ta petite troupe de la bouillie pour mes Ouargues !
Mon sang se glaça tout à coup, malgré les flammes qui semblaient brûler mes entrailles. J’étais terrifiée. Dans la confusion, je pensai de toutes mes forces à Dhuilin et à sa proposition de m’aider.
– Père, je vous en prie… Aidez-moi.
Catégories: BG de Lizeth Fanfiction LOTRO
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