La foule commençait à se disperser et à rentrer en ville, passant autour des deux cavaliers encapuchonnés qui restaient de marbre à regarder la scène qui se déroulait devant eux. Deux nains s’affairaient à faire descendre le corps immobile qui se balançait au bout de la corde au gré du vent. Ils le déposèrent sur un chariot et toujours en silence, commencèrent à s’éloigner.
– Hé, là ! Arrêtez le chariot ! commanda l’un des deux individus aux conducteurs. Sa voix était cassée et rauque, et ne reflétait pas l’amabilité.
– On veut vérifier qu’elle est bien morte, continua l’autre sans beaucoup plus de tact.
– Vous pouvez venir assister à son enterrement, et par Thorin, on n’enterre pas quelqu’un de vivant ! Suivez le chariot si vous voulez, car nous, on a autre chose à faire !!
Le chariot reprit sa route, et les deux cavaliers le suivirent docilement jusqu’à un sous-bois qui restait tout de même à bonne distance de la ville. Rien ne laissait penser que cet endroit était un cimetière, pas même une tombe ou un morceau de bois pour indiquer le nom d’un défunt. Il devait s’agir de la fosse commune.
Une Elfe attendait, à côté d’un tas de pierres. Elle portait une robe simple blanche et rouge et son regard ne trahissait aucun sentiment. Détail insolite, elle n’avait pas les cheveux longs que l’on attribue d’habitude aux elfes, mais courts et au carré.
– Orchysdal, c’est vous qui allez vous occuper de ça ? demanda l’un des deux nains, brisant ainsi le silence pesant.
– Hélas, oui, Shabb, on m’a chargée de la sépulture de cette Elfe.
– Même pour les meurtriers, vous avez des coutumes étranges, vous les Elfes ! s’exclama l’autre nain.
– Thalesir, toute fëa (HRP: signifie âme) a le droit de rejoindre la Maison de Mandos, mais pourra-t-elle rejoindre un nouveau corps, c’est une autre histoire, répondit Orchysdal comme si elle récitait un grimoire.
– Mmmmh, si vous le dites, dit le dénommé Thalesir, sceptique.
L’un des cavaliers grommela d’impatience.
– Allons-y, mes amis, nos … « invités » n’arriveront bientôt plus à se tenir, dit l’Elfe en regardant de coin vers les hommes encapuchonnés. Déposez-la ici, je vais la recouvrir de pierres.
Une fois ceci fait, Orchysdal et les deux nains s’apprêtaient à partir.
– Messieurs, le spectacle est terminé. Ce tas de pierres ne bougera plus. Et allez donc consulter un guérisseur, vous semblez avoir la petite vérole, vos visages sont impossibles !
Le cavalier de droite utilisa toute sa volonté pour ne pas riposter. L’autre resta immobile, les yeux fixés sur le promontoire de pierres. Tous les deux allaient rester une bonne partie de cette nuit-là avant de s’en aller, convaincu que l’objet de leur mission était bien passé de vie à trépas.
***
– Vous êtes sûrs qu’ils sont partis ? chuchota une voix féminine.
– Oui, Thal les a suivi jusqu’à la frontière de la région de l’Haudh Lin. Il va rester là-bas pour s’assurer qu’ils ne reviendront pas.
– Très bien, libérons-la.
***
Je ne savais pas si j’allais me remettre de cette expérience. Je ne devais pas être saine d’esprit pour avoir accepté de jouer la comédie – et avoir réussi à le faire -, alors que j’avais tant de questions sans réponse. Le matin précédent, une Elfe du nom d’Orchysdal était venue dans ma cellule m’apporter mon petit déjeuner. Elle m’avait demandé de feindre ma mort, puis elle était repartie, sans plus d’explication. J’étais comme anesthésiée durant tout le procès, et ne pouvais pas plus réagir sur le chemin vers la potence. J’avais cru ensuite que j’allais craquer lorsque ce nain me mit cette cagoule poisseuse sur la tête, mais je l’ai remercié intérieurement par la suite, me rendant compte que j’aurais été incapable de transformer mon visage en visage de mort devant tant de personnes. La suite … la suite fut la plus compliquée. Ne plus bouger d’un pouce, le corps transi de froid, d’abord sur le chariot, puis, moment de terreur, sous les pierres, savamment disposées pour qu’elles ne m’écrasent pas et pour qu’un peu d’air me parvienne. J’ai attendu plusieurs heures, et me retenais de pleurer, priant pour que mes nerfs ne lâchent pas. Lorsque j’avais entendu les chevaux s’éloigner, j’avais ressenti un grand soulagement, mais dû attendre encore quelques dizaines de minutes avant que mes sauveurs ne reviennent. Ils me sortirent de là, m’enroulèrent deux ou trois couvertures autour de moi, et enfin revenue à Gondamon, m’installèrent sur un lit confortable. Je devais me reposer, et on répondrait à toutes mes questions le lendemain.
Le lendemain était alors venu, et devant ma soupe de légumes, ils étaient tous là. Je ne parvenais pas encore à former une question, mon cerveau encore sous le choc. Devant ce silence, Mathi Mainferme prit la parole.
– Lizeth, nous tenons tous à nous excuser pour toute cette mascarade. Elle était pourtant nécessaire.
Il prit une chaise qui se trouvait sur le côté et s’installa devant moi. Tous les autres restaient silencieux derrière lui.
– Tous ces gens derrière moi vous ont sauvé la mise, et ce, depuis votre arrivée à Duillond. Nous avons gardé toutes vos affaires et votre … euh… animal de compagnie. On vous les remettra quand vous voudrez. Et… euh…
– Mathi, laissez-moi lui parler !
C’était le nain qui s’appelait Shabb qui venait de prendre la parole, et c’était lui qui m’avait amenée à Gondamon, enchaînée et terrifiée.
– Très bien, allez-y, je vous laisse ma place.
– Lizeth, encore une fois, désolé. J’aimerais, si vous le voulez bien, vous raconter depuis le début ce qu’il s’est passé. Ainsi, vous comprendrez les raisons de tout ceci. Vous permettez ?
J’acquiesçai légèrement, la cuillère en suspension au-dessus de mon bol.
– Mes amis et moi étions dans une auberge à Duillond lorsque l’on vous a vue entrer. Tout allait bien jusque-là, puis vous avez commencé à poser des questions sur des hommes ressemblant à des Orques. On a tout de suite pensé aux Semi-Orques qui se trouvaient dans un coin de la pièce, et que vous n’aviez pas vus.
Shabb marqua une pause et me laissa avaler une carotte. Je reposai ma cuillère, et décidai de mettre un terme à mon petit-déjeuner, plus gênée qu’autre chose.
– Il a fallu que nous agissions très vite. Ces Semi-Orques sont plus collants que la bave de limace, alors il nous fallait un subterfuge très convaincant. Nous vous avons proposé à boire, y avons versé une petite potion concoctée par notre ami Thalesir…
Je remarquai l’autre nain qui leva la main en signe de salutations, un petit sourire aux lèvres.
– Un seul verre et vous étiez totalement déchaînée. Une bagarre s’est alors déclarée, et toutes les personnes présentes y ont pris part. Une belle réaction en chaîne, si vous me suivez. Ensuite… C’est dehors que ça s’est passé. Dans la cohue, les Semi-Orques ont essayé de vous atteindre, et de fil en aiguille… Oh ! Par la barbe de Thorin, tout a dérapé !
Shabb prit son visage barbu entre ses mains. Il releva la tête quelques secondes plus tard et je vis des larmes couler dans sa barbe. Il renifla bruyamment, et je voyais le regard attristé des autres personnes présentes.
– C’était un ami à moi. Un nain répondant au nom de Gumlin, il vivait dans les rues de Duillond, mais pouvait nous offrir les plus belles rumeurs à chaque fois que nous passions par ici pour rejoindre le Palais de Thorin. L’un de ces affreux personnages, ces viles Semi-Orques, s’est emparé de votre couteau. Vous l’aviez sorti pour vous défendre. Et il l’a utilisé contre ce bon vieux Gumlin. Vous étiez juste à côté, mais commenciez déjà à perdre l’équilibre. La potion avait fait son effet, sacré Thal. Vous êtes tombée sur Gumlin, qui avait déjà perdu la vie. Oh….
– Shabb, laisse-moi continuer.
L’Elfe Orchysdal aida Shabb à se relever, mais ne s’assit pas.
– La suite, vous la connaissez, Lizeth. On devait vous laisser dans l’ignorance pendant tout ce temps, sachant bien qu’ils regardaient de loin ce qu’il vous arrivait. Vous mettre à mort allait sûrement leur faire prendre d’autres chemins. Ces Semi-Orques voulaient vous mettre hors d’état de nuire. Pourquoi ? On l’ignore encore, mais on va le découvrir, et très vite ! Dans tous les cas, vous avez très bien joué votre rôle, mais il va falloir vous montrer particulièrement discrète à partir de maintenant. Trouvez un autre nom, et choisissez-le bien, car vous ne pouvez plus jamais être Lizeth Heliandil !
– Orchys, garde ton calme et cesse de bousculer notre amie.
Une autre Elfe s’avança et posa la main sur l’épaule d’Orchysdal qui avait pris quelques couleurs.
– Bonjour Lizeth, je suis Eljoying, mais tout le monde m’appelle Joye. Pardonnez notre Orchys, l’émotion l’empêche de penser clairement.
J’avais l’impression d’être revenue en Forêt Noire en tant que petite fille. Eljoying ressemblait trait pour trait à l’une des mentors que j’avais à l’école, grande et belle, les cheveux noirs comme l’ébène.
– Les deux Semi-Orques ont quitté les Terres des Elfes et sont retournés vers l’Est. Vous n’avez plus rien à craindre, à présent. Et comme Orchys le disait, il va falloir que vous vous fassiez discrète quelques temps et que l’on vous reconnaisse sous un autre nom. J’ai hâte d’en savoir plus sur vous et sur vos intentions, car vous attirez assurément beaucoup l’attention sur vous.
Eljoying me sourit avec bienveillance et je pus reprendre un peu de contenance. Je me levai de ma chaise et les regardai tous.
– Je… merci de m’avoir sauvée. Mon histoire est un peu longue, mais je vous dois bien ça. Tout a commencé …
Catégories: BG de Lizeth Fanfiction LOTRO
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