Le hurlement que je venais de pousser détourna l’attention de deux trolls qui se précipitaient déjà vers le corps immobile d’Amynduilas. Maintenant que j’étais un peu en retrait, j’avais une vue d’ensemble de la situation : trois trolls venaient de nous prendre par surprise et je ne pouvais expliquer comment nous ne les avions pas sentis approcher car les trolls n’ont jamais été les créatures les plus discrètes.
En esquivant la massue du monstre qui m’avait attaquée, j’avais lâché mon arc qui se trouvait à présent à quelques mètres sur ma gauche. J’avais encore le coutelas de Drokki à la ceinture mais mon épée était restée auprès de nos affaires à l’entrée de la grotte. Celle-ci était maintenant « gardée » par les deux acolytes du troll qui se trouvait entre moi et Amynduilas. J’allais avoir besoin de mon arc si je voulais m’en sortir alors je pris ma dague et me précipitai vers la gauche.
Le troll le plus proche de moi n’avait à faire qu’une ou deux enjambées pour me rejoindre et j’avais donc devant moi juste assez de temps pour atteindre mon arme. Le sol tremblait sous les pas du molosse et je sentis qu’il s’approchait dans mon dos, bien trop proche de moi. Et alors que je me baissai pour récupérer mon arc, je perçus l’air vibrer. La seconde suivante, une explosion de terre et de pierres me fit perdre l’équilibre, et ma chute fut accompagnée d’une douleur indescriptible. Mon corps entier s’enflamma d’un seul coup et sur le moment, mon cerveau ne réussit plus à recueillir ou à traiter les informations. Je n’entendis pas mon cri, ni aucun autre son, et mon champ de vision s’était réduit et étrangement obscurci. Pendant quelques secondes, je me sentis totalement ailleurs, le temps de reprendre mes esprits. Je remarquai alors que j’étais assise sur un tapis de feuilles, que je tenais mon arc serré dans la main droite et que j’avais mon pied enfoncé sous les gravats.
La masse du troll avait formé un petit cratère en s’abattant au sol, et à en juger par ma jambe en feu, elle m’avait probablement écrasé quelques os du pied. Avec une amère grimace je tentai de me relever et fus étonnée de remarquer que malgré la forte douleur mélangée avec l’impression d’avoir un bâton ardent à la place du pied, je tenais debout et supportais la douleur. Je pensai à l’adrénaline qui devait couleur dans mes veines et me félicitai intérieurement d’être de ceux qui transforment la peur en courage et non en lâcheté. Les autres trolls avaient dû comprendre – d’une manière ou d’une autre – qu’Amynduilas n’était plus une menace car ils étaient déjà en train de nous rejoindre. Pendant quelques secondes, je me tins là, devant trois monstres qui étaient presque deux fois plus grands que moi. Ils avaient le regard mauvais et l’air très en colère.
– La femelle Elfe est fichue, fredonna l’un des trolls, celui qui m’avait initialement pris pour cible. Il avait esquissé un rictus qui me permit d’entrevoir ses énormes dents pourries. Les trois trolls s’esclaffèrent bruyamment.
– L’autre est aussi inoffensif qu’un mouton endormi, on pourrait l’garder d’côté pour plus tard, reprit l’un des deux autres monstres.
– Non ! cria le premier en restant les yeux rivés sur moi. J’préfère que la femelle voie son p’tit copain rôtir, ça a meilleur goût quand c’est salé aux larmes du désespoir !
Je vis qu’il se passait ce qui lui servait de langue sur le bord des lèvres. Je sentis la colère monter en moi. Elle prenait place, petit à petit, et allait bientôt remplacer le peu de raison qu’il me restait. Je réfléchissais à comment les battre tous les trois et je pensais que les lourds nuages dans le ciel ne permettraient pas, à moins d’un miracle, de laisser passer quelques rayons de soleil pour les changer en pierre.
– Ç’aurait été trop beau, marmonnai-je entre mes dents, un léger sourire aux lèvres. Je fus alors prise d’un fou rire nerveux, incontrôlable.
– Pourquoi tu ris !? demanda le premier troll, moitié surpris, moitié frustré.
Je ne lui répondis pas. A la place, je tentai de me calmer et fermai les yeux. Si je ne pouvais pas compter sur l’astre du jour, il allait falloir que je les batte d’une autre manière. Je soufflai et essayai de canaliser la rage qui me chatouillait déjà le ventre. Je perçus les trois boules de feu qui représentaient mes ennemis et au fur et à mesure que je me concentrais, les formes devenaient plus précises. Je ressentis également leur impatience, une sorte d’onde qui se propageait dans toutes les directions. L’un d’entre eux ramassa un rocher, tandis que le troll à la masse brandissait son arme. Le troisième n’avait pas d’arme dans les mains, et je supposai qu’il faisait peut-être confiance à ses poings. La seconde d’après, le troll au rocher lança son projectile. L’objet n’avait pas de couleur, était tout noir et se détachait du reste du paysage peint en couleurs chaudes et froides. Et chose étrange, il se déplaçait au ralenti, ç’en était presque déroutant. Au dernier moment, je me déplaçai sur la droite et esquivai sans problème la pierre. Je rouvris alors les yeux et vis le troll afficher un regard étonné.
– Je crois que tu as manqué ton coup ! lui lançai-je pour le provoquer.
Le troll grogna de frustration et tandis qu’il ramassait une autre pierre, les deux autres me fondirent dessus. Je bandai mon arc et décochai une flèche dans le genou du premier troll qui tomba sur le côté. Cela me permit de le contourner tout en boitant et en tirant des flèches sur les deux autres trolls. Un second projectile finit comme le premier, dans les broussailles derrière moi, ce qui attisa encore plus la colère de son lanceur.

Je bandai mon arc et décochai une flèche dans le genou du premier troll
Je commençais à maîtriser mon nouveau pouvoir de concentration. Le troll sans arme tenta alors de m’attraper, mais je réussis à éviter ses grosses mains de justesse. Je n’étais cependant pas aussi rapide que je l’aurais voulu, et ne pourrais pas échapper à mes agresseurs encore longtemps. Je jugeai une prise sur la manche du troll et m’y hissai, à la grande surprise de ma nouvelle monture. J’enfonçai alors ma dague dans le cou du monstre qui commença à paniquer et à se secouer dans tous les sens. Pas particulièrement douée pour le rodéo, j’assénai quelques coups supplémentaires totalement incontrôlés. Avant d’être désarçonnée, je plantai mon arme au sommet de son crâne, puis je tombai lourdement sur le sol. Un peu sonnée, je tentai d’esquiver un nouveau projectile qui me frôla et m’écorcha l’épaule. Je ne pris pas le soin de vérifier la blessure, trop contente d’avoir un ennemi en moins. J’avais atterri près de la grotte et constatais avec inquiétude qu’Amynduilas était toujours inconscient. Je me retournai et décochai quelques flèches histoire de gagner du temps sur les deux trolls restants pour récupérer mon épée près de mon sac. Néanmoins, je ne l’atteignis pas, obligée à mi-distance de reculer à l’intérieur de la grotte pour éviter d’être de nouveau écrasée par une pierre. Le troll perdit alors patience ainsi que le contrôle de lui-même et ne prit même plus la peine de ramasser un autre caillou. Il fonça vers moi comme l’aurait fait un auroch en colère. Au dernier moment je me déportai en me jetant sur le côté et me dis que j’appréciais d’avantage l’herbe de la clairière que le sol rocheux de la grotte. Les parois de la grotte firent alors un drôle de bruit et en me retournant, je vis qu’elle était en train de s’effondrer. Le troll avait dû foncer dans un point fragile de la structure, et allait bientôt être sous des tonnes de roches. Je me précipitai dehors pour ne pas me faire piéger à mon tour. Un nuage de poussière m’entoura avant de retomber au sol.
Le dernier troll se trouvait au centre de la clairière et me regardait. Il ne grogna pas et sembla ruminer intérieurement sa vengeance. Quant à moi, je commençais à sentir la fatigue et surtout la douleur lancinante dans mon pied revenir. Je sentais aussi la sueur mêlée à la poussière sur mon front, et ma respiration se faisait plus saccadée.
– T’as tué mes copains ! Tue pas les copains de Grukk, t’entends ?! vociféra-t-il soudain en brandissant sa massue au-dessus de la tête.
– Ça serait trop bête de m’arrêter à tes copains ! criai-je. Finissons-en !
Je portai la main à mon carquois et ne brassai que du vide : je n’avais plus de flèches. Mon cœur fit un bond, et pendant une seconde, je me dis que oui, ça serait vraiment trop bête de m’arrêter aux copains de l’autre malin. Amynduilas se trouvait à mes pieds, et un coup d’œil vers le bas me permit de remarquer qu’il avait encore des munitions.
Le troll commença à charger vers nous deux. Je me baissai rapidement et pris une poignée de flèches avant de courir aussi vite que je le pus sur la gauche afin de m’éloigner le plus possible d’Amynduilas. Le troll avait mordu à l’hameçon et me suivait. Il me manqua de peu, reformant de nouveau un cratère. Malgré la secousse, je ne perdis pas l’équilibre et m’élançai entre les jambes écartées du monstre. Alors que ce dernier relevait sa lourde massue, je pus m’éloigner assez de lui pour prendre l’une des flèches barbelées d’Amynduilas et la tirer vers le troll.
Le troll se retournait à ce même moment et ma flèche alla se perdre derrière lui. Me maudissant, j’encochai une autre flèche et bandai mon arc. Je remarquais que je commençais à trembler. Ce n’était pas bon signe. Je soufflai et me concentrai sur mon tir. Le temps recommença à ralentir. Je tirai une flèche, visant le cœur. A ma grande surprise, le troll se protégea avec son gourdin et ma seconde flèche se ficha bien profondément dans le bois. Que m’arrivait-il, bon sang ? Ma vue commençait à se brouiller. J’étais en train de perdre le contrôle. Je vis le ravin à quelques mètres sur ma gauche et pensai que je pourrais éventuellement l’y entraîner.
Le premier troll que j’avais tué était sur mon chemin. Je me précipitai vers lui et l’enjambant, en profitai pour récupérer ma dague. J’étais presque arrivée au bord du précipice quand je sentis mon agresseur s’approcher dangereusement sur ma droite. A ce moment, mon pied flancha et je m’étalai de tout mon long en poussant un cri de douleur. Je tentai de m’éloigner en rampant et sentis la panique m’atteindre. Le troll se baissa et m’attrapa par le pied, celui qui était blessé. Je hurlai de douleur alors qu’il me soulevait dans les airs. Je voyais des étoiles danser devant mes yeux. Le troll leva le bras assez haut pour que je puisse le regarder.
– On a un jeu à la maison, commença-t-il, on prend un caillou, on l’lance en l’air, puis on frappe dessus avec notre bâton. T’sais à quoi je pense, là ?
Je fis une grimace de douleur et cela sembla satisfaire le troll. Il se plaça de sorte à pouvoir m’utiliser comme une vulgaire pierre. Il serra d’avantage ma cheville, ce qui envoya une nouvelle décharge qui m’arracha un nouveau cri. Il s’apprêtait à mettre son projet à exécution lorsque tentant le tout pour le tout, je fis un mouvement de balancier avec mon corps, et assénai un coup de dague sous l’aisselle du bras qui me tenait. Le troll me lâcha instantanément, beuglant de douleur. Je retombai sur le flanc et pendant que le troll se vidait de son sang et se tournait vers moi, je pus parcourir les quelques mètres me séparant de mon arc. A pareille distance, impossible de manquer mon coup. Je me redressai tant bien que mal et espérai que cette flèche serait la dernière. Je mettais mes dernières forces dans ce tir.
Je décochai ma flèche au moment même où le troll effectua un large arc de cercle avec sa massue. Les deux attaques firent mouche. Alors que j’étais projetée violemment en arrière et remarquais avec horreur le bord du précipice en dessous de moi, mon projectile transperça le crâne du troll, juste entre les deux yeux.
Le silence s’abattit alors sur les lieux…
Catégories: BG de Lizeth Fanfiction LOTRO
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