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Lizeth Heliandil BG#46

Un frisson m’avait parcouru l’échine lorsque j’avais vu Orriath apparaître au milieu de ce blizzard. Déconcentrée, j’avais dû redoubler d’effort pour fragiliser d’avantage la plateforme sur laquelle je me trouvais. Je m’étais à ce moment-là emportée contre le jeune capitaine, en colère de le voir s’exposer ainsi au danger, mais j’avais dû par la même occasion piquer sa fierté car il avait montré ensuite un courage qui m’avait beaucoup touché. Et, alors que nous pensions avoir réussi à piéger le monstre, j’avais compris qu’il allait falloir une dernière dose de courage pour accomplir ce pour quoi j’étais venue.

J’avais d’abord pensé à ma famille, en priorité à ma mère, et j’avais espéré au fond de moi que Kintyra pourrait trouver un moyen de résoudre la situation, et de la sauver à ma place. Puis j’avais ressenti un pincement au cœur en pensant à Amynduilas, qui m’avait demandé de me tenir éloignée des problèmes, et j’avais esquissé un très léger sourire en me murmurant, comme une prière, qu’il y avait des choses que l’on ne pouvait éviter.

Et pendant la chute, j’avais demandé à Chandra si elle souhaitait vraiment être ensevelie sous des tonnes de pierres et de neige…

***

Soudain, tout devint noir. Le silence était pesant et au bout d’un moment, je me demandai si cela faisait longtemps que j’étais là. Je me sentais légère, mais je n’avais aucun moyen de confirmer si j’étais en train de flotter ou si j’avais toujours des pieds, quelque part, posés sur un sol. Débarrassée de mon enveloppe corporelle, je ne ressentais ni la douleur, ni le bien-être, ni le froid ou la chaleur. J’avais cependant gardé mes souvenirs, et c’était ce qu’il y avait de plus déstabilisant, parce que je n’arrivais plus à ressentir les informations. Je me dis par exemple que j’aurais dû ressentir de la peur parce que je n’y voyais rien, mais je n’étais ni apeurée, ni sereine, et je ne m’en incommodais pas outre mesure. Il s’agissait d’informations, comme si je les lisais sur une feuille de papier. Sans émotion.

Néanmoins, après un long moment – ou peut-être n’était-ce qu’un instant ? – j’entendis ce qu’il me parut être un son. Alors que je m’étais convaincue que les choses seraient maintenant ainsi et pour l’éternité, je me demandai comment je pouvais encore « entendre ». Je tentai alors de me concentrer sur ce son, et au bout d’un moment, je distinguai enfin des syllabes, puis des mots. Ca disait quelque chose comme : « Sa présence a disparu, il lui est arrivé quelque chose ! ». Puis une autre voix, plus claire, disait : « Il doit y avoir une explication, calme-toi. ». Mais qui parlait ? J’avais l’impression d’avoir la réponse, mais même en me concentrant d’avantage, je n’arrivais pas à mettre de nom sur les voix que je venais d’entendre.

Puis, une autre voix résonna soudain, partout autour de moi, m’obligeant à sortir de ma précédente réflexion, et je fus frappée d’un éclair de lucidité en reconnaissant qu’il s’agissait de Chandra.

– Par tous les Dieux, j’ai réussi ! J’ai vraiment failli nous perdre cette fois, Lizeth… prononça l’esprit. Je… je suis… si… fatiguée… pourquoi…

Une vague glacée me transperça de toutes parts, et je pus de nouveau voir tout autour de moi. Mes yeux avaient tout de même du mal à s’habituer à la lumière qui était sûrement encore faible. Mais après quelques secondes, ils le firent et je pus distinguer l’endroit où je me trouvais. J’étais au fond d’un gouffre, et tout autour de moi il y avait des murs de pierre gigantesques et des débris de roches de toutes tailles. Un rapide tour sur moi-même et je vis sous d’énormes gravats le corps aplati et détruit du monstre, qui, plus tôt, donnait l’impression d’être imbattable. Je remarquai la fourrure qu’il portait et qui était par endroits teinte avec du sang.

Et alors, je vis une masse recroquevillée dans la neige, entre deux rochers qui formaient comme un toit au-dessus d’elle. Je m’approchai et reconnus la cape verte que je portais habituellement. Elle présentait maintenant des trous et des déchirures en de nombreux points, mais c’était bien la mienne. Et il s’agissait bien de mon corps, allongé et immobile sur ce sol gelé. Mon visage était sous la capuche de ma cape, et je remarquai quelques-uns de mes cheveux qui trempaient dans la neige, près de ma main qui avait maintenant une vilaine couleur violacée.

J’étais en train de geler, et si l’on ne m’amenait pas très vite près d’un feu, je mourrais. A moins que je fusse déjà morte ? La panique m’envahit et en voulant poser la main sur moi, espérant peut-être pouvoir me déplacer, je ressentis la même sensation de picotements que j’avais eue dans les Galgals il y a quelques semaines. Ma main passa au travers de mon corps et je constatai même que j’avais un peu de difficulté à me toucher, comme si un champ de force m’empêchait de trop m’approcher.

Cependant, je crus voir l’un de mes doigts bouger légèrement et j’espérais pouvoir me réveiller d’une seconde à l’autre.

– Par Manwë, Lizeth, RÉVEILLE-TOI ! me criai-je. Chandra, si tu es encore là-dedans, il faut bouger ! Mon corps ne va pas tenir à ce rythme !

Je me relevai, et pensai qu’il fallait chercher de l’aide, mais à peine je m’éloignais de quelques pas que je rencontrais comme un mur, qui m’empêchait d’aller plus loin.

Je hurlai vers les parois de la montagne, bien consciente qu’on ne pourrait pas m’entendre.

Tout à coup, j’entendis quelques pierres rouler contre d’autres et je les aperçus. Il s’agissait d’un petit groupe de six Gobelins, tous plus hideux les uns que les autres, qui regardaient la même scène que moi. L’un d’entre eux dit quelque chose à un autre, mais je ne compris pas un traître mot de ce qu’il marmonnait, car il s’agissait de leur propre langue. Ils inspectèrent les lieux avec fébrilité et je savais bien qu’ils finiraient par tomber sur mon corps. Lorsqu’ils le virent, ils s’amassèrent tout autour et commencèrent à discuter entre eux. Au bout de quelques secondes, ils ont eu l’air de se mettre d’accord et certains empoignèrent mes bras pour me soulever.

Ils allaient m’emmener, et peu importait où, il ferait sûrement plus chaud là-bas qu’ici ! Mais contre toutes mes attentes, un Gobelin bouscula l’un de mes porteurs en émettant ses borborygmes incompréhensibles. Lorsque mon corps tomba sur le sol, je sentis une douleur dans mes os. Je fis la grimace tout en les écoutant se chamailler. Mais mon cœur fit un bond quand j’entendis très clairement celui qui avait commencé la discussion prononcer le nom de Gologmolva. Etait-il ici ? Des questions sans réponse fusèrent dans mon esprit, et j’étais partagée entre le soulagement d’avoir été découverte par des sbires de Gologmolva, qui ne verrait aucun intérêt à me voir morte, et l’horreur de passer de nouveau entre ses mains. La priorité était avant tout ma survie, et mourir de froid ne faisait pas partie de mes plans. Habricotine serait sûrement dans le coin, et il y avait une probabilité pour qu’ils me mènent près d’elle. Une fois réveillée, Chandra ne ferait qu’une bouchée de tous ces gobelins… peut-être.

Quoi qu’il en soit, alors que j’étais plongée dans mes pensées, les Gobelins s’étaient finalement calmés, et avaient décidé de reprendre leur besogne. Mes pieds traînaient au sol et laissèrent deux sillons bien marqués dans la neige jusqu’à arriver à l’entrée d’une ouverture dans la roche. Le passage était tellement étroit qu’ils durent former une file unique et me faire avancer de côté. Une fois à l’intérieur, quelques-uns allumèrent des torches pour voir dans le noir et parcourir sans danger les nombreuses galeries souterraines. Parfois nous passions par des salles plus grandes, et j’avais à peine le temps de contempler et compter le nombre de tentes gobelines que nous devions nous engouffrer dans un autre boyau de pierres. Le chemin était long, mais j’enregistrais chaque embranchement et créais une carte dans ma tête, prête à être utilisée au besoin. Je ne savais pas exactement où était la sortie, mais je pourrai au moins m’orienter, et éviter les culs de sac.

On ne pouvait pas dire que l’odeur était agréable, mais lorsque nous arrivâmes dans une zone plus en profondeur, elle était épouvantable. Nous rencontrâmes d’autres Gobelins accompagnés d’Ouargues, et la majorité faisait la sieste sur des paillasses pouilleuses. Nous passâmes sur un pont en bois qui surplombait une grande salle en contrebas où brûlaient plusieurs feux. Ce qui m’inquiétait quand même assez était le nombre d’ennemis, et surtout le chemin à parcourir pour nous tirer de là. J’espérais pouvoir tomber sur les autres Cavaliers Solitaires en route.

Ils posèrent mon corps près d’un feu et j’attendis. Quelques Gobelins me tournaient autour et ça me démangeait de les abattre. A un moment donné, il y en a un, plus curieux que les autres, qui s’approcha d’avantage. Il se pencha au-dessus de moi, apparemment intéressé par l’objet doré qui brillait à mon cou à la lueur des flammes. Étrangement, il me souleva la nuque pour faire glisser la chaîne et récupérer le pendentif sans le casser. Il resta ensuite là, accroupi, à contempler son butin. Je voyais le reflet ambré du médaillon se refléter dans ses grands yeux sombres.

Tout à coup, je sursautai. Le Gobelin émit un petit couinement à peine audible tout en lâchant le bijou qui retomba sur ma poitrine. Un filet de sang dégoulina également sur mes vêtements alors que la créature se prenait la gorge avec les deux mains avant d’être écarté sur le côté par mon bras. Je m’étais enfin réveillée et je tentai de me redresser, difficilement. Je me vis ramasser le collier et le glisser de nouveau autour de mon cou. Dans la pénombre, je vis briller le tranchant de ma dague de botte, et j’eus presque peur de mon apparence. Couverte de mon sang et de celui du Gobelin, les vêtements partiellement déchirés, je me tenais le dos légèrement vouté, mes cheveux en désordre me tombaient en partie sur le front et faisaient une ombre sur mon regard. Les autres Gobelins venaient de se rendre compte de la scène et commençaient à réagir, et à réveiller les plus paresseux.

Je me baissai pour prendre le Gobelin que je venais d’égorger par ce qui lui servait de tignasse, et avec un petite sourire de travers, je dis d’une voix qui me parut étrangère et que je n’avais pas entendue depuis des semaines :

– Alors ? A qui le tour ?

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Illustration par Jerem

Catégories: BG de Lizeth Fanfiction LOTRO

Solena

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