– Que voulez-vous dire, Mère ? demandai-je en relevant la tête.
– Nous sommes enfin tous les quatre, vous deux, votre père et moi.
Je quittai les bras de ma mère et fis un pas en arrière, les sourcils froncés. Comment Père pouvait-il être là s’il avait disparu – et probablement été tué – en Angmar. Je me souvenais encore très bien des mots que Galaenthir, le défunt chef des Cavaliers Solitaires, m’avait dit lorsqu’il m’avait annoncé qu’il avait appris que mon père avait été pris dans une embuscade alors qu’il s’aventurait à l’intérieur des terres dangereuses de l’ennemi. Devant mon air perdu, ma mère me sourit.
– Pourquoi ne t’installerais-tu pas, je vais te chercher quelque chose à te mettre sous la dent…
Elle m’invita près du fauteuil, mais je marquai une pause. Je croisai le regard de ma sœur, qui ne disait toujours rien. Elle avait l’air gêné.
– Kintyra, tu étais au courant ? Il est dans les geôles ? Ou dans l’un de ces appartements, en haut d’une tour ? l’interrogeai-je, espérant qu’elle réponde par l’affirmative.
Silence.
– Ne me dis pas que c’est Gologmolva, que Dhuilin est Gologmolva. S’il te plaît… implorai-je, en me passant les mains sur mes joues, devant ma bouche. Ne reste pas plantée là, Kin, réponds-moi !
Devant la moue qu’elle me présentait, je soupirai et me laissai tomber sur les coussins. Le visage entre les mains, je fixai le sol, à tenter de me rentrer cette information dans la tête. Combien de choses ma sœur me cachait-elle encore ? L’excitation que j’avais ressentie en montant les marches et même lorsque j’avais revu Mère, s’était évanouie. Qui étaient mes alliés dans toute cette histoire ? Oh, par Manwë, qu’avais-je donc fait ? J’avais tourné le dos aux seules personnes qui m’avaient toujours fait confiance, m’avaient toujours donné une chance, une seconde chance, un foyer, une cachette. Pendant tout ce temps, j’avais eu envie de partir, de les mettre à l’abri de mes problèmes, je n’avais pas voulu de leur aide, persuadée de ne pas la mériter. J’avais réagi sur un coup de tête, et ça avait été facile, j’avais même été soulagée quand Chandra m’avait conseillée de rejoindre Kintyra. A ce moment-là, la simplicité de la situation ne m’avait pas alarmée. Mais maintenant que j’y pensais, je me rendis compte que j’avais fait une énorme erreur. J’avais besoin des conseils d’Orchysdal, même des remarques piquantes d’Eljoying. J’aurais voulu que l’on m’ait retenu, mais j’avais tout fait pour l’en empêcher. Je n’avais même pas reparlé avec Amynduilas depuis le combat avec l’araignée géante, depuis qu’il avait mis sa vie en danger pour le bien de tout notre groupe. Et je lui avais confié Chandra, abandonnant ma seule chance de partir vivante de cette tour.
– Lizeth, entendis-je Mère dire tout en sentant une main légère sur mon épaule. Lizeth, tu ne vas pas bien ? Que puis-je faire pour toi ?
Je relevai la tête et tournai mon visage vers elle.
– Dis-moi que Père n’est pas Gologmolva.
– Oh, ma chérie… commença Mère.
– Oh ! Comme c’est touchant ! s’esclaffa une voix près de la porte.
Je me levai d’un bond. Dans l’embrasure de la porte, une grande silhouette toute habillée de noir marquait la pose. Gologmolva commença à frapper dans ses mains, apparemment amusé par la situation.
– Ooh, soupira-t-il, comme c’est touchant…
Il avait répété ces mots de manière malicieuse, ironique, blessante.
– Je n’ai plus besoin de ce masque, maintenant, continua-t-il en retirant l’accessoire et en s’en débarrassant. C’est bien dommage, j’avais préparé un discours, et j’avais prévu de le retirer à la fin, pour un meilleur effet !
Je vis que Mère baissait les yeux en signe de soumission. Une vague de colère m’envahit. Je pris mon arc, encochai une flèche et me plaçai entre elle et Gologmolva. Je tendis la corde, prête à tirer. Je voulus prévenir mon adversaire avec une remarque bien placée, mais ma gorge était encore nouée. Je pus détailler le visage de mon père pour la première fois. Il avait des cheveux blonds, le nez droit et de très fines lèvres. Quelque chose dans son regard était dérangeant – ou dérangé ? – et une vilaine cicatrice descendait depuis son œil gauche jusqu’à son menton. Je comprenais mieux pourquoi il utilisait un masque à présent.
– Lizeth, que fais-tu, baisse ton arme, m’ordonna Mère. Elle était dans mon dos, et voulut me forcer à obtempérer en me serrant le bras. Pourtant, je résistai.
– Mère, reprenez donc vos esprits ! l’incitai-je.
– Lizeth, ce n’est…
– Solriana, ça suffit ! maugréa Gologmolva. Écarte-toi !
Ma mère sursauta et au moment où elle s’exécuta, je vis Gologmolva faire un mouvement avec son bras comme s’il allait me lancer quelque chose. Une bulle d’air se forma dans la paume de sa main et il n’attendit pas une seconde de plus pour l’envoyer vers moi. Je décochai ma flèche, prise par surprise, mais elle rencontra le projectile et finit au sol. Gologmolva fit alors quelques pas vers moi et à une courte distance, il fit un geste en arc de cercle qui me fit décoller du sol. J’atterris violemment quelques mètres plus loin, renversant l’un des fauteuils et une petite table basse. Étourdie et endolorie, je tentai de reprendre mon souffle. Comment Gologmolva pouvait-il être mon père ? Il s’était toujours comporté comme l’ennemi qu’il faudrait un jour affronter, mais il m’avait pratiquement « entraînée » pour ce moment. Et la manière dont il s’adressait à moi, à m’appeler « Sa Reine », j’avais même pensé qu’il ne me ferait jamais le moindre mal et emploierait tous les moyens pour me rallier à ses côtés. En fin de compte, je ne comptais pas sur des retrouvailles aussi … violentes. Il n’avait pas retenu ses coups cette fois-ci. Le goût du sang dans ma bouche en était la preuve.
Je m’essuyai les lèvres d’un revers de la main et me remis debout. Je sortis mon épée du fourreau et me tins prête.
– Et tu comptes me couper en deux avec ton jouet ? Nous savons tous les deux ce qu’il s’est passé la dernière fois !
Il ne prenait même plus la peine d’être respectueux, passant du vouvoiement qu’il utilisait auparavant au tutoiement. Il se précipita vers moi, écartant les meubles de son passage. Je fis un rempart avec mon épée et ma main libre et créai un mur de volonté dans lequel il percuta. Le choc me fit reculer d’un pas, et je sentis mes muscles se contracter. La force qu’il opposait était bien plus forte que j’imaginais, et je me rendis compte que je ne pourrais pas résister bien longtemps. Je vis le sourire en coin de mon père se dessiner sur ses lèvres et cela me donna des frissons. Il appuya soudain plus fort sur mon barrage et déstabilisée, il put passer au travers. Il exerça une pression sur le poing qui tenait l’épée et ce dernier atterrit au milieu de mon visage. La douleur me brûla le visage. Je lâchai un cri en portant la main à la figure.
– Dhuilin, arrête ! demanda Mère en accourant près de moi.
Elle s’agenouilla devant moi et me pressa un tissu sur le nez. J’étais désorientée et frustrée d’être incapable de tenir face à Gologmolva. Kintyra tenta de son côté de calmer notre père. Elle l’entraîna en arrière et lui proposa d’entendre raison. Je ne savais pas dans quel camp elle jouait cette fois-ci, mais je sentais qu’elle essayait de gagner du temps. Elle continua à discuter avec lui à voix-basse et parfois elle me jetait des regards inquiets.
– Non, Père, elle n’est pas prête, vous ne pouvez pas faire ça maintenant ! cria ma sœur en essayant de retenir Gologmolva par le bras.
– Ne me dis pas ce que je dois faire, Kintyra !
Il la frappa au creux de l’estomac avec son coude et ma sœur tomba au sol, les bras pressés contre son corps. Elle avait du mal à reprendre son souffle. Gologmolva parcourut alors la distance nous séparant et la dernière chose que je me souvins fut sa main posée sur ma tête.

Catégories: BG de Lizeth Fanfiction LOTRO
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