Kintyra me regardait droit dans les yeux. Alors qu’avant notre arrivée dans cette pièce puante elle semblait sûre d’elle, maintenant que l’on était dans la place forte, elle était gagnée par la nervosité. Elle soupira en se mordant la lèvre inférieure.
– Il faut que je te dise quelque chose avant que l’on aille plus loin, Lizeth, commença-t-elle. Tu sais, ces derniers mois m’ont changée…
– C’est ce que j’ai pu remarquer, la coupai-je.
– Tu n’as pas été pas là pour m’aider, reprit-elle. Et je t’en ai voulu. Le seul moyen de pouvoir surveiller les évènements a été d’accepter de faire des choses que je n’aurais pas faites autrement. Si on n’a pas trop attiré l’attention jusqu’ici, c’est parce qu’on ne questionne pas mes allées et venues. Ce sont leurs ordres.
– Qu’as-tu donc fait pour mériter cette immunité ?
– J’ai joué un rôle. Je devais t’inciter à me suivre et à te mettre sur le chemin de Gologmolva. De façon surprenante, tu t’es très bien débrouillée toute seule, même quand je suis partie. Je suis désolée de ne pas t’en avoir parlé.
– Alors tout ça, c’est… un piège ? lui demandai-je en désignant l’endroit où nous nous trouvions. Je fis un pas vers elle et la pris par les épaules. Kintyra, tu m’as attirée ici parce qu’on te l’a demandé ?
– Non. Il ne m’a pas envoyée te chercher. Je souhaite réellement sortir Mère de cette prison.
– Alors, pourquoi as-tu besoin de moi, si tu peux te pavaner dans ces couloirs sans que personne ne « questionne » tes mouvements ?
J’étais hors de moi et regrettai tellement de ne pas avoir tenu tête à Chandra quand elle m’avait demandé de suivre Kintyra. Elle devait avoir une bonne raison pour me demander de faire cela, ou bien était-elle de mèche avec ma sœur et Gologmolva ? Après tout, ne pas avoir le pendentif près de moi était une épreuve de plus, je m’étais même habituée à la douleur qui me rongeait les entrailles.
– Pourquoi m’en parles-tu maintenant ? repris-je.
– Parce que je ne supportais plus de garder la vérité pour moi. Et si j’ai besoin de toi, c’est parce que Mère ne m’écoute pas. Elle te veut toi… ajouta-t-elle la voix brisée, les larmes formant des sillons sur ses joues. Elle ne cesse de répéter ton nom, et moi… moi je ne semble plus compter.
Je compris que Kintyra souffrait. Elle souffrait d’avoir le mauvais rôle. Comment aurais-je réagi si Mère avait refusé mon aide ? Ma sœur pensait-elle que notre mère l’avait reniée pour ses actes ? Je ne pus m’empêcher de penser que Kintyra l’avait en quelque sorte cherché. C’était peut-être parti d’une bonne intention, mais elle était complice de la mort des habitants de notre village, et qui sait de combien d’autres choses encore. Néanmoins, elle semblait vouloir se racheter.
– Je ne souhaite pas que Gologmolva sache que je cherche à libérer Mère, pour de bon en tous cas. Elle est la raison pour laquelle tu te dirigeais vers Dol Guldur, et vers lui. Une fois sorties d’ici, tu pourras fuir avec elle. Alors, je veux t’y aider, même si ça sera probablement la dernière chose que je ferai.
Elle avait raison, je serais de toute manière venue ici pour essayer de sauver Mère. Mais si j’avais suivi Kintyra, c’était aussi dans l’espoir d’avoir plus de chance d’y arriver sans avoir à mettre en danger la vie des membres de la confrérie. J’y voyais un peu plus clair à présent, et même si c’était risqué, j’avais décidé de prendre le chemin que ma sœur me proposait.
– D’accord, finis-je par dire au bout de quelques secondes de silence. Malgré toutes les mises en garde, je t’ai suivie jusqu’ici, dans le repaire même de ce qu’il semble être mon pire ennemi. J’affronterai donc la situation. Que devons-nous faire pour rejoindre Mère ?
– Elle se trouve dans les quartiers situés juste à côté de ceux de Gologmolva.
– Cela va être un sacré jeu d’enfant ! ironisai-je. Et qu’en est-il de notre hôte ?
– Je t’avouerai que je ne connais pas ses mouvements, il pourrait être ici comme en train de préparer des choses en dehors de la forteresse.
– Nous ne savons donc pas si l’on risque de tomber sur lui ?
Elle fit non de la tête. Ce fut alors à moi d’être nerveuse. Je n’avais jamais été aussi proche de la confrontation avec Gologmolva. Dans mon rêve, il était toujours là, et bien que j’aie œuvré pour que rien ne se passe comme dans cette vision, j’avais la désagréable impression qu’on y était tout près. Mes amis se trouvaient à moins d’un jour de la forteresse et s’étaient sans doute rendus compte de mon absence. Je ne leur avais donné aucune raison de me suivre et j’espérais qu’ils ne souhaiteraient pas continuer la mission. En effet, je préférais encore échouer dans ma tentative désespérée de récupérer Mère plutôt que de les voir tous alignés devant moi et d’être sur le point de les mettre à mort. Comment serais-je capable de donner cet ordre ? Je me demandais si Gologmolva n’userait pas de son pouvoir de contrôle sur moi. Je ne pouvais penser une seconde que j’allais trahir mes amis.
Kintyra et moi quittâmes notre cachette et nous nous aventurâmes dans les couloirs des geôles. Nous rencontrâmes des Orques et même quelques Trolls, et tous nous jetaient des regards en coin. Quelques-uns chuchotaient déjà entre eux. Kintyra pressa le pas. Je remarquai que cette prison était un véritable labyrinthe sur plusieurs étages, et plusieurs fois nous dûmes nous arrêter pour que ma sœur consulte un plan qu’elle avait avec elle. Au moins, cette fois, elle n’avait pas l’air de connaître aussi bien les lieux.
Au moment de franchir la porte principale des geôles, nous fûmes interrogées par deux Angmarims. Kintyra expliqua qu’elle m’escortait chez Gologmolva et qu’ils feraient mieux de ne pas nous retarder. Les deux sbires se concertèrent mais ne tardèrent pas à nous laisser passer. Ma sœur les remercia et leur indiqua qu’elle ne manquerait pas de mentionner leur perspicacité auprès du maître. Quand les portes se refermèrent derrière nous, cependant, je crus voir l’un des deux gardes quitter l’autre.
Les couloirs de Dol Guldur étaient tels que je les avais vus dans mon rêve. Les tapis rouges au sol étouffaient le bruit de nos pas, les drapeaux pendues aux murs, tout y était. Nous empruntâmes un escalier puis un autre. Au bout de l’un des passages, je m’arrêtai devant une porte. La salle dans laquelle nous étions m’était familière. Je fis ralentir ma sœur et prit le risque d’ouvrir l’un des battants. Mon cœur manqua un battement. Je refermai doucement et rejoignit Kintyra. Elle ne me posa aucune question, reprenant la marche.

– Gologmolva souhaite s’entretenir avec ma sœur, avez-vous oublié qui nous sommes ? interrogea ma sœur alors que nous étions proches de la tour de l’intéressé.
– Nous avons nos propres ordres… Kintyra, répondit un Semi-Orque tellement défiguré qu’on aurait dit qu’il lui manquait toute une partie du visage. Le maître n’est pas là, et en son absence, personne ne monte.
Je tirai sur la manche de la chemise de ma sœur, voyant que la situation était en train de dégénérer.
– Kin, il nous faut un plan de secours, chuchotai-je.
– Seconde-moi, me répondit-elle avec un sourire.
Je fronçai les sourcils, ne comprenant pas tout de suite où elle voulait en venir, mais le moment suivant, ma sœur avait sorti une dague qu’elle enfonçait dans la gorge du garde. Son acolyte mit la main à la ceinture, et dans le feu de l’action, je lui lançai ma propre arme qui vint se ficher au milieu de son torse. Je ressentis alors une immense vague de satisfaction me traverser au moment où il mordit la poussière. Je me rendis compte que toutes les heures précédentes durant lesquelles nous n’avions rencontré aucune résistance avaient fait monter la pression, et qu’elle avait fini par éclater. Kintyra s’approcha de moi.
– Ça ira, Lizeth ? me demanda-t-elle, inquiète.
– Pourquoi tu dis ça ?
– Tu es blanche comme un linge. Allez, nous devons y aller. Si Gologmolva n’est effectivement pas dans les parages, cela nous facilitera la tâche.
Je me sentais revivre, j’étais comme sortie d’une transe. C’est avec soulagement que je montai les dernières marches vers les appartements de Gologmolva. Kintyra frappa à la porte et entra quand nous entendîmes la voix familière de notre mère.
A l’intérieur, la décoration était sommaire, mais tout était dans un état irréprochable. Mère était assise sur un divan en velours rouge bordeaux. Elle portait une robe grise avec des broderies blanches en forme de feuilles au bout des manches et en bas de la jupe. Elle posa le livre qu’elle lisait à côté d’elle et nous regarda. Il y avait quelque chose d’étrange dans ses yeux ; ils semblaient fatigués, distraits. Mère se leva et ouvrit les bras en signe d’accueil.
– Venez ici, mes enfants… dit-elle doucement, un léger sourire sur les lèvres.
Mère m’avait beaucoup manqué, si bien que je n’hésitai pas une seconde et allai me blottir dans ses bras. Son odeur me fit oublier ces derniers mois, et je voulus profiter de cet instant. Je fermai les yeux.
– Kintyra, viens aussi, tu n’es pas punie, tu sais ! l’entendis-je dire avant de sentir que l’étreinte s’était agrandie. Oh, mes chéries, nous sommes tous réunis ! Votre père va être si content !
Catégories: BG de Lizeth Fanfiction LOTRO
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