Le lendemain matin, les nuages cachaient encore le soleil, et la pluie de la veille avait rendu l’atmosphère humide. Nous nous étions répartis et entassés dans quelques chambres de l’auberge, et j’avais hâte de me dégourdir un peu les jambes. Après m’être rafraîchi le visage et avoir enfilé mes vêtements, je sortis dans le couloir et allai devant la porte de la pièce voisine. J’allais frapper quand je me ravisai. Il était encore tôt, et les ronflements que je pouvais encore entendre m’indiquaient que certains dormaient encore. Je tournai doucement la poignée, et alors que je poussai la porte, elle heurta quelque chose. Je m’arrêtai et passai la tête dans l’embrasure. Il régnait à l’intérieur une odeur et un désordre propre aux hommes et je regrettai presque d’être venue. Je vis alors Amynduilas près de la fenêtre sur la droite, bien réveillé. Il finissait de nouer ses cheveux et tout en regardant le miroir en face de lui, il me fit un geste de la main qui m’invitait à l’attendre dans le couloir. Je m’exécutai et refermai la porte derrière moi.
Je soupirai en regardant un tableau qui était accroché en face de la chambre et pensai que je n’avais jamais mis les pieds dans cette auberge auparavant, même si elle était située juste à la sortie de mon village. Je fermai les yeux. Je n’avais pas beaucoup dormi mais les premières lueurs de l’aube avaient fini par me faire sortir du lit. La rencontre avec Elidrir de cette nuit avait été la principale cause de mon insomnie, et j’espérais aujourd’hui que nous pourrions en apprendre plus sur ce qu’il s’était passé ici. Quelques minutes plus tard, Amynduilas sortit de sa chambre.
– Il y avait quoi derrière la porte, l’interrogeai-je en chuchotant alors que nous descendions les escaliers.
– Le dos de Thalesir, mais il ne s’est pas réveillé. Il a voulu garder la porte cette nuit car il ne fait pas confiance aux Malledhrim depuis ce qu’il s’est passé avant-hier. Je crois plutôt qu’il ne voulait pas partager son lit, plaisanta-t-il.
– On est tous sur le qui-vive. J’ai hâte de voir le bout de cette aventure, je n’en peux plus des épreuves et des surprises…
– A propos de surprise, je voudrais te parler de quelques petites choses qui n’ont pas cessé de me traverser l’esprit depuis hier au sujet d’Elidrir.
– Que veux-tu savoir ?
– Vous aviez l’air d’avoir été très proches tous les deux.
– Nous le sommes, mais pas tant que ça. Ma sœur et lui l’étaient davantage, je ne comprends pas son comportement.
– Il n’aimait peut-être pas la bonne jumelle, murmura-t-il entre ses dents en regardant le plafond.
– Pardon ?
– Non, rien, dit Amynduilas en me souriant. Peu importe, il y a autre chose et ça devrait t’intéresser.
Je n’aimais pas qu’il change de sujet comme ça, mais je décidai de ne pas forcer la conversation. Nous passâmes le pas de la porte d’entrée de l’auberge, et l’air frais nous entoura. Je resserrai les pans de ma cape.
– Quoi donc ?
– Je n’arrive plus à savoir où se trouve ton ami.
– Comment ça ? lui demandai-je en fronçant les sourcils.
– J’ai clairement senti l’aura d’Elidrir alors qu’il était avec nous hier. Mais depuis mon réveil ce matin, je ne sais plus le localiser avec précision.
– Il ne lui serait pas arrivé malheur au moins ! m’écriai-je en agrippant le bras d’Amynduilas, alarmée.
– Non, c’est différent.
Le Chasseur chercha au sol quelque chose et au bout de quelques secondes il se pencha pour ramasser une pierre plate et une petite feuille morte. Il se tourna alors vers moi et me montra la pierre mise à plat dans sa main.
– Imagine que ce caillou soit le corps d’une personne, et la feuille, son esprit, expliqua-t-il en plaçant la feuille sur la pierre. En temps normal, ils ne font qu’un tout, ils sont indissociables. En me concentrant, je peux sentir où se trouve l’essence d’une personne, son esprit.
– Je vois.
– Quand la personne meurt, le lien qui lie le corps et l’esprit est brisé, continua-t-il en séparant la feuille de la pierre cette fois. Et il m’est alors impossible de sentir sa présence.
– Le lien entre mon corps et mon esprit n’était pas brisé, pourquoi pensais-tu que j’étais morte alors ? l’interrogeai-je.
– Je l’ignore, peut-être qu’en habitant ton corps, Chandra brouillait les pistes. Dans tous les cas, ce qui est étrange avec Elidrir, c’est que je sens sa présence, mais assez faiblement, et ceci, à deux endroits à la fois, comme si le lien était encore présent.
– C’est incroyable, réussis-je à dire.
– C’est ce que je me suis dit également.
Après tout ce qu’il s’était passé ces dernières semaines, je pensais que j’avais déjà eu mon compte d’aventures, et que la dernière, étant si proche de Dol Guldur, serait celle où nous tenterions de sauver ma mère. Je me trompais. Et j’avais espéré que le mauvais pressentiment de la veille ne se concrétise pas.
– Nous allons éclaircir tout cela dès aujourd’hui, annonçai-je.
– Oh, et plus vite que tu ne le penses, regarde là-bas.
Je suivis du regard l’endroit où pointait le doigt d’Amynduilas. Elidrir était accroupi près du petit lac en contrebas du chemin.
– Bonjour Elidrir, lançai-je avec le plus d’enthousiasme que je le pus.
– Ah, bonjour, Liz, bien dormi ? demanda-t-il en se relevant et en nous faisant face.
– Oui, merci, et toi ?
– A merveille. Et, bonjour, hum… dit Elidrir à l’attention d’Amynduilas.
– Amynduilas, continua l’intéressé. Il est vrai que je n’ai pas eu l’occasion de me présenter. Je suis Amynduilas Tireloin, je viens du nord de la Forêt Noire.
– Enchanté de connaître le nom de celui qui a conquis le cœur de ma chère Lizeth. Et un compatriote, de surcroît.
Je tiquai en faisant claquer ma langue. Amynduilas esquissa quant à lui un léger sourire en coin, mais ne releva pas. Je l’en remerciai intérieurement.
– Bien, et si on en venait à la petite histoire, dis-je pour détourner le sujet.
Le regard d’Elidrir perdit de son éclat. D’aussi loin que je me souvienne, je ne l’avais jamais vu avec un air aussi grave. Il poussa un gros soupir.
– Tu veux la version courte ou la version longue ?
– La version longue, si possible, répondis-je.
– Très bien, se résigna-t-il. Cela s’est passé il y a trois lunes, à quelques jours près. Tu étais partie depuis un bon moment déjà et…
– HEY, AMYN ! LIZETH ! nous interpela une voix dans notre dos.
Nous nous retournâmes vers Moela qui coupa à travers l’herbe pour nous rejoindre. Elle n’arborait pas le sourire habituel.
– Je ne dérange pas ? demanda-t-elle, un peu à bout de souffle.
– Non, du tout, Moela. Nous allions écouter le récit d’Elidrir qui a été témoin du ravage du village voisin, répondit Amynduilas en pivotant légèrement vers mon meilleur ami.
Moela prit alors un air gêné et fronça les sourcils.
– Hum… reprit-elle après quelques secondes. De qui parles-tu ? Il n’y a personne à part vous deux, ici.
J’ouvris grand les yeux, étonnée.
– Oooh ! Intéressant… murmura Amynduilas.

Catégories: BG de Lizeth Fanfiction LOTRO
Hum, en effet… intéressant.
« Les désordres des hommes », je m’insurge en faux! 😉