Je me suis réveillée dans des draps de soie. C’était douillet et agréablement chaud. Les paupières encore closes, je sentais le soleil au travers. Il réchauffait tout mon corps. Je n’avais pas envie d’ouvrir les yeux, je me sentais si bien. Pourquoi se priver des meilleures choses ? Après tout, ne l’avais-je pas mérité ? N’avais-je pas demandé un peu de repos ? Ce souhait me semblait maintenant lointain. Ce n’était plus important, plus rien n’en avait. J’étais allongée sur ce lit, et j’en profitais. J’en profitais comme jamais et je me demandais combien de fois, en soixante-treize ans, j’avais pu en profiter. Je ne parle pas de mes jeunes années, j’avais été entourée par ma mère et ma sœur, et j’avais été insouciante.
Puis l’insouciance était partie, elle avait laissé place au questionnement. Pourquoi tous les autres enfants avaient un papa, et moi non ? Pourquoi ma mère ne semblait pas y penser, pourquoi ma sœur s’était-elle résignée au silence à ce propos ? N’étions-nous pas identiques ? Et ces créatures noires cachées dans la forêt, pourquoi y étaient-elles ? N’avaient-elles pas envie de voir le soleil, elles aussi ?
Et maintenant, je n’avais plus à me poser ces questions, j’étais bien dans mes draps de soie, sous ce soleil radieux. J’esquissai un sourire. Je me sentais vraiment bien.
Soudain, une musique résonna dans mon univers fait de soie et de chaleur. Au début, elle était agréable, puis je me rendis compte qu’elle se répétait, incessamment. Elle semblait m’appeler. Au bout d’un moment, je finis par ouvrir les yeux. Je me trouvais dans une petite chambre elfique. Les murs étaient peints en blanc, et du lierre le recouvrait par endroit. Le soleil passait à travers une lucarne au plafond et inondait de lumière mon lit situé au centre de la pièce. Des meubles en bois blanc décoraient l’endroit et je reconnus là plusieurs de mes objets de petite fille. Pourtant, ma chambre ne ressemblait pas à cette pièce. Ma famille n’aurait pu s’offrir ce luxe. Et cependant, tout y était. Tous les objets que j’avais un jour laissés derrière moi. Je m’approchai du peigne décoré avec des petites pommes de pin que m’avait sculpté le bûcheron du village. Je caressai sa surface lisse et souris de contentement, avant de le reposer sur la commode. Repensant à la musique à l’extérieur, je jetai un regard vers d’autres trésors, vers mes poupées et mes autres jouets, et je me dirigeai vers la porte et tournai la poignée. Dehors, il y avait un jardin magnifique où poussaient tout un tas de fleurs de toutes les couleurs. Les odeurs mirent mes sens en éveil. Un petit chemin menait au travers de ce paradis et je trouvai des chaussons sur le pas de la porte. L’invitation continuait et je me permis d’y répondre. Je parcourus le chemin lentement, profitant de chaque instant pour humer une fleur, écouter un oiseau, m’émerveiller devant le spectacle multicolore qui se déroulait devant moi.
Je débouchai sur une petite place. Une fontaine laissait couler de l’eau aussi claire que le cristal en son centre. Assise sur le rebord de la fontaine, je vis une personne sous une houppelande, qui jouait de la harpe. Son instrument avait une forme étrange, circulaire, mais il en sortait un son remarquable. C’était la mélodie qui m’avait tirée du lit, et je me surpris à la fredonner. A ce moment-là, la personne arrêta de jouer. Tout devint silencieux, comme si ce simple fait avait rendu muet toute la nature environnante. C’était assez étrange.
– Bienvenue, Lizeth. Comment trouves-tu mon jardin ? demanda la personne sans relever sa capuche.
Je ne parvins pas à distinguer si la voix était celle d’une femme ou d’un homme. C’était assez étrange. Je m’apprêtai à lui répondre que la décoration était idyllique, mais aucun son ne sortit de ma gorge. Je portais la main à la bouche, écarquillant les yeux. Je m’étais tu comme tout le reste
– N’essaye pas de parler, Lizeth, tu ne pourrais pas. Ne te demandes-tu pas quel est cet endroit, ou qui je pourrais être ? Ça n’a pas beaucoup d’importance, c’est ce que tu penses, n’est-ce pas ?
La silhouette s’approcha de moi et tourna autour de moi. J’étais paralysée, mais je ne ressentais alors aucune peur.
– As-tu envie de rester ici pour toujours ? demanda-t-elle, et je devinais qu’elle levait légèrement les bras pour indiquer tout ce qui se trouvait autour de nous. Oui, bien sûr que tu en as envie.
Je sentis sa présence derrière moi et lorsqu’elle s’approcha assez près, je ressentis un frisson me parcourir tout le corps.
– Ton destin n’est pas ici, tu es gelée et tu vas te noyer, me murmura-t-elle au creux de l’oreille.
Je sursautai et la terreur s’empara de moi.
***
De l’eau entra dans mes poumons. D’un seul coup, une explosion de douleur parcourut chaque centimètre de ma peau et de mes entrailles. Je tentai de crier mais sous l’eau, seuls quelques gargouillis agrémentés d’énormes bulles sortirent de ma bouche. Je me trouvais au fond de l’eau et sentis sous moi les pierres de la rivière. A ce moment-là, tout me revint. La quête de mon père, l’entrée dans la confrérie des Cavaliers Solitaires, la traque des Semi-Orques, les semaines de retraite avec Amynduilas, que j’avais laissé inconscient, au milieu de trois cadavres de trolls de pierres.
A cette dernière pensée, je me propulsai au moyen de ma jambe valide vers la surface, les poumons en feu. Une fois la tête hors de l’eau, je tentai d’avaler une goulée d’air mais ne pus que recracher de l’eau. Tout mon corps me faisait mal et j’étais épuisée. J’arrivais à peine à me maintenir hors de l’eau, et il fallait que je regagne vite la terre ferme. De mon mieux, j’y parvins et je m’allongeai, sans la moindre force, sur les galets humides. J’allais sombrer dans le sommeil lorsque je repensai à mon compagnon.
– Amyn… murmurai-je en tentant de me relever.
La douleur dans mon pied décupla. Je me rassis et soulevai le bas de mon pantalon. En retirant ma chaussure, je remarquai que mon pied avait bleui et gonflé. Ce n’était pas beau à voir, mais je recommençais au moins à sentir mes orteils, malgré la douleur, ce qui m’indiqua que je n’avais probablement pas perdu mon pied. Ce constat me redonna courage. J’inspectai les alentours en quête d’un bâton qui pourrait m’aider à marcher. J’en vis un, et attachant ma chaussure à ma ceinture, je rampai jusqu’à ma canne de fortune. Une fois sur ma jambe valide, je vacillai aussitôt et me retins à un rocher. Une douleur me parcourut le ventre et je me souvins du coup de massue que j’avais reçu avant d’être expulsée dans les airs dans ce ravin. Je levai les yeux au ciel et remerciai Manwë d’être sortie vivante de cette chute. Relevant ma chemise, je vis un bleu qui était déjà en train de noircir.
Je me mis à boitiller et je longeai le bas du ravin, cherchant un chemin pour remonter et revenir au campement. Au bout d’une dizaine de minutes, j’en trouvai un et bien que j’avançais comme une tortue, j’étais décidée à arriver au sommet. Le soleil avait fini par se montrer et était bien haut dans le ciel lorsque j’arrivai enfin sur les lieux du combat. Je vis le dernier troll allongé sur le dos, ma flèche plantée entre ses deux yeux vitreux. Faisant une grimace de dégoût, je continuai mon chemin. Je ne pris même pas la peine de regarder la seconde créature.
Plus loin, je remarquai que la grotte n’était pas complètement obstruée par l’éboulement, et je me dis que j’avais le reste de la journée pour reformer un semblant de campement à l’intérieur. Nos sacs étaient à moitié ensevelis sous les pierres, mais il ne me fallut pas longtemps pour les en dégager. A l’intérieur, les fioles de potions étaient toutes brisées, mais il restait encore quelques herbes dans des sacs de cuir que je pourrai utiliser pour faire de la tisane. Les gourdes d’eau étaient pleines et prête à servir.
J’avais déplacé Amynduilas à l’intérieur de la grotte et avait été soulagée de remarquer qu’il ne saignait plus au front. Un rapide examen de son corps m’apprit qu’il avait été frappé dans l’épaule et la clavicule. Il devrait s’en tirer, s’il parvenait toutefois à se réveiller.
En début de soirée, j’apportai quelques branches de plus pour le feu. Dans un petit chaudron s’élevaient quelques volutes de fumée parfumée. Tout à coup, je fus prise d’une quinte de toux et je vis trouble. Avant de m’écrouler sur le sol près du feu, je remarquai le sang qui tachait mes gants.
Je m’étais demandée tout l’après-midi quand mon corps allait me lâcher. Le moment était enfin arrivé.
Catégories: BG de Lizeth Fanfiction LOTRO
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