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Lizeth Heliandil BG#81

Je traversai le pont surplombant la chute d’eau près de mon village. De la brume s’était formée en contrebas et envahissait toute la surface de l’étang. Il faisait frais, ce qui était plutôt étrange. Mes pas étaient légers, j’avais presque l’impression de flotter au-dessus du sol. Le village était toujours en ruines et même si je savais qu’il s’agissait d’un rêve, j’aurais aimé au moins lui avoir rendu la vie, comme autrefois. Une fois de l’autre côté du pont, je m’arrêtai. Devant moi, je vis les esprits des villageois errant dans les rues et entre les débris de maisons. Leurs mouvements semblaient produire un son, à peine perceptible, et il me fallut un moment avant de me rendre compte que ces sons formaient une mélodie cohérente, et que celle-ci ne venait pas réellement des ombres, sinon que ces derniers lui permettait d’être entendue, comme une sorte d’écho, à travers eux.

– Pourriez-vous me dire d’où provient la musique ? demandai-je à l’un d’entre eux en m’approchant.

L’esprit me traversa de part en part comme s’il ne m’avait pas vue, et soudain je sentis des petits fourmillements sur la peau. Elle vibrait et émettait alors les mêmes sons, plus distinctement, et je me sentis attirée vers un endroit au loin. Peut-être allais-je trouver la source de cette musique en y allant. Je gravis des escaliers et sortis du sentier. Il s’agissait d’un raccourci que j’utilisais souvent pour rejoindre une autre partie du village, celle dans laquelle se trouvait mon ancienne maison. Sur le pas de la porte, j’aperçus une silhouette encapuchonnée. Elle jouait à la harpe la mélodie qui se faisait entendre jusqu’en bas. Alors que j’approchais, la musique s’arrêta. Je vis alors les yeux verts de ma sœur tandis qu’elle relevait la tête.

***

J’ouvris les yeux. J’étais allongée dans un lit au fond de la chambre de l’auberge. Dormir n’avait pas été mon plan, mais je n’avais apparemment pas pu y résister. Je sortis des couvertures et me dirigeai vers la porte. Dans les autres lits, mes compagnons malades se reposaient encore. Je ne vis personne dans la salle commune en bas, mis à part l’aubergiste qui essuyait de la vaisselle derrière son comptoir. Je lui fis un signe en sortant, qu’il me renvoya sans détourner les yeux de sa tâche.

A l’extérieur, l’après-midi passait, en silence. Des soldats nettoyaient des épées, assis sur un tronc d’arbre mort un peu plus loin, et le maître des écuries était plus loin, occupé à brosser les chevaux. Repensant à mon rêve, je m’approchai de nouveau des ruines de mon village, mais je n’entendis aucune musique après avoir traversé le pont. Une fois devant chez moi , je remarquai que la maison n’avait pas été touchée par les flammes. La porte était sortie d’un de ses gonds et l’intérieur était sans dessus dessous. J’entendis un objet tomber dans l’une des pièces et me disant qu’il s’agissait peut-être d’une petite bête sauvage, j’entrai. Le bruit venait probablement de la cuisine, et en y entrant, je vis le contenu d’une jarre de farine répandu sur le sol. Au même moment, je vis Kintyra revenir avec un balai entre les mains.

– Oh ! Lizeth ! commença-t-elle. J’ai encore renversé la farine, les choses ne changent pas, tu vois. Assieds-toi à table, je vais faire du thé, une fois que j’aurai nettoyé cette petite catastrophe.
– Je ne veux pas de thé, Kintyra. En revanche, j’aimerais savoir ce que tu fais ici.
– C’est notre maison, répondit-elle sur le ton de l’évidence. Je me suis dit que tu passerais probablement par ici avant de partir, alors je t’ai attendue.

Elle commença alors à balayer, ce qui m’irrita. Je m’avançai tout à coup vers elle et lui arrachai l’outil des mains, avant de le poser dans un coin de la pièce.

– Comment peux-tu te comporter ainsi alors que tout est en ruine dehors ? l’invectivai-je. Tu as laissé ces monstres entrer dans notre maison, enlever Mère et mettre le feu au village entier.
– Je vois qu’Eli, où ce qu’il restait de lui, t’a raconté ce qu’il a vu ce jour-là… Il était loin de savoir toute l’histoire.
– Tu ne nies pas travailler pour l’ennemi en fin de compte. L’as-tu fait de ton plein gré, ou Gologmolva t’a-t’il forcé ?

Kintyra soupira. Elle alla ramasser une chaise et s’installa à la table.

– Il n’a jamais utilisé son pouvoir sur moi. Quant à mon plein gré, je n’ai pas vraiment eu le choix. Il m’avait promis de ne pas toucher au village et de ne pas faire de mal à Mère si je ne faisais pas d’histoire.
– Il t’a menti, tous les villageois sont morts. Comment peux-tu continuer à le suivre ?
– Mais je ne le suis pas, justement.

Kintyra avait le regard déçu. Jusqu’à mon arrivée ici, je croyais dur comme fer à son innocence, refusant d’interpréter aveuglément les quelques signes qui m’avaient été révélés. Puis l’histoire d’Elidrir, avec son avertissement, m’avait ouvert les yeux : il y avait bel et bien quelque chose qui n’allait pas avec elle. Jouait-elle la comédie, alors ?

– Que tu me croies ou non, la mascarade a assez duré, reprit-elle. Tant qu’il ne faisait pas de mal à Mère, je n’avais aucune raison de précipiter les choses…
– Lui a-t-il fait quelque chose ? la coupai-je, inquiète.
– Gologmolva n’a peut-être pas utilisé ses pouvoirs sur moi, mais il ne s’est pas gêné avec Mère. Cela fait des mois qu’elle est sous son joug, docile. Que crois-tu qu’il se passera s’il lâchait son emprise sur elle ?

Je voyais clairement où elle voulait en venir. Cependant, j’avais constaté que le pouvoir de Gologmolva ne faisait plus effet à une certaine distance, et j’étais bien placée pour confirmer qu’il s’était absenté de la forteresse, jusqu’en Comté d’abord, puis qu’il avait sillonné la Terre du Milieu en me surveillant et en prenant soin de m’attirer jusqu’ici.Tous les pouvoirs avaient des limites.

– Je veux que tu viennes avec moi, dit Kintyra, m’arrachant à mes réflexions. Elle avait l’air plus que sérieux. L’ennemi me fait confiance, je connais les lieux et je peux nous y faire entrer sans attirer l’attention. Même si nous sommes obligées d’arracher Mère à la malédiction de Gologmolva, même si cela signifierait qu’elle en perde l’esprit, je préfère encore cela à la lente agonie qu’elle est en train de subir en ce moment.

C’était de la folie. Dol Guldur n’était pas une forteresse que nous pourrions infiltrer juste elle et moi. La situation frôlait l’absurde.

– Elle compte sur moi dans son plan, murmura Chandra dans ma tête. Je pourrais faire des ravages si nous étions découvertes.
– Mais cela ne nous mettrait pas en danger par la même occasion ?
– Si près de Gologmolva, tu ne crois pas si bien dire ! s’exclama-t-elle. Peu importe ce que tu puisses penser de ta sœur, je ne lui fais pas confiance. Pas seulement parce que Galaenthir ou même Elidrir la pensait coupable, mais… mon opinion n’y changera rien. Je te recommande d’ailleurs d’y aller.
– Mais je ne souhaite pas approcher Gologmolva avec le pendentif alors que nous serons si vulnérables, m’opposai-je.
– Oh, je n’ai jamais dit que moi j’irais, mais ça, elle ne le saura pas.

Si Chandra avait été en chair et en os, j’aurais certainement vu un sourire en coin dessiné sur ses lèvres. Plus la situation avançait et plus je devenais anxieuse, et moins j’avais de contrôle sur elle. Mon manque d’initiative à l’égard du pendentif n’avait que renforcé la légitimité de celle de Chandra. Elle avait une idée derrière la tête, pour ainsi dire, et j’allais devoir la suivre.

– Tu ressentiras la distance entre nous, mais maintenant que j’ai « son » empreinte, je crois que tu y survivras. Ton Chasseur me tiendra compagnie. Ou le contraire, peut-être.
– Je n’aime pas ça.
– Pardon ?

Je me rendis compte que j’avais pensé cette dernière phrase tout haut. Je revins dans le présent, ma sœur attendait apparemment ma réponse, espérant que son discours sur Mère me fasse changer d’avis sur elle et ses intentions. Au moment où j’allais énoncer mon choix, je pensais aux membres de la confrérie que j’allais laisser derrière moi. Ils m’avaient aidé jusqu’ici, et certains avaient même perdu la vie dans cette quête. J’espérais que Chandra avait de bonnes raisons de nous séparer de la sorte.

– Les jumelles font de nouveau équipe, comme au bon vieux temps, dis-je finalement.
– Comme au bon vieux temps, répondit Kintyra, un sourire aux lèvres.

Catégories: BG de Lizeth Fanfiction LOTRO

Solena

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