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Lizeth Heliandil BG#33

J’étais assise à une table au fond de la salle du Poney Fringant. Il était assez tard et j’étais presque seule, quelques clients bavardaient dans un coin, Monsieur Poiredebeurré faisait ses comptes dans un autre. Je regardais le fond de ma pinte vide en repensant à tout ce qu’il s’était passé ces dernières heures.

Il y avait eu après la débâcle de Lissenka un long moment de flottement. J’étais bouleversée par la situation et épuisée physiquement et mentalement. Tandis que je recherchais mon épée parmi les cadavres de morts vivants, Amynduilas avait commencé une conversation avec Moela et je le remerciais intérieurement pour ne pas m’avoir noyée sous les questions. En effet, j’avais eu besoin d’être seule et à l’écart, pour rassembler mes idées et me remettre de cette aventure. Mais au moment de remettre mon arme dans son fourreau, cependant, le clic qu’avait fait la pointe de ma lame en atteignant le fond m’avait fait revenir à la réalité. Je m’étais alors rapprochée du centre de la salle et du corps de Lissenka, avais posé ma main couverte de bandages sur sa poitrine, et avais senti qu’elle était encore en vie. Après quelques échanges brefs avec mes compagnons au sujet de ce que nous allions faire avec elle, Amynduilas avait décidé que nous l’amènerions aux autorités de Bree où elles prendraient soin d’elle. Il avait transporté son corps et en silence, nous nous étions mis à chercher la sortie. Une fois dehors, le soleil était déjà levé, bien qu’invisible derrière les nuages, et nous avions fini par retrouver le groupe. Nous avions alors partagé les montures pour rentrer sur Bree car malheureusement, certains chevaux avait été tués pendant la bataille, ou avaient été abattus à sa suite pour leur éviter des souffrances inutiles après qu’elles eurent été mordues par des barghests. Une fois en ville, nous avions dû en acheter de nouveaux, mais devions cependant attendre leur livraison. J’en avais donc profité pour dormir un peu après que Shabb m’eut refait mon bandage et donné à boire une horrible potion de Lhinestad. Il m’avait dit qu’elle éloignerait la maladie, mais au lieu de cela, elle m’avait littéralement assommée.

A présent, j’étais en pleine forme et je pressentais devant moi une longue nuit blanche. Donc je ressassais, et j’en étais à ma quatrième pinte. J’espérais que cela me donnerait envie de dormir, mais mon cerveau allait encore à plein régime malgré la quantité de boisson ingurgitée. Je me demandais si Prosper n’avait pas coupé mes bières avec de l’eau, car j’y voyais encore bien clair. En effet, je vis très clairement Amynduilas apparaître depuis le couloir menant à l’escalier et vers les chambres, et serrer la main de l’aubergiste avant de lui donner quelques pièces. Il se dirigea alors dans ma direction, un sourire en coin sur les lèvres. Il portait une chemise beige clair, légèrement entrouverte, un pantalon noir et il avait relevé quelques-unes de ses mèches en une demi-queue de cheval, ce qui lui allait plutôt bien. Il emprunta un petit banc à une table voisine et s’installa en face de moi.

– Tu as perdu un pari contre Monsieur Poiredebeurré ? lui demandai-je en frottant mon pouce et mon index pour mimer les espèces sonnantes et trébuchantes qui venaient de passer d’une main à l’autre.
– Oh, non, disons que c’était pour quelque chose… de personnel, me répondit-il avec un léger sourire. Alors, comment vas-tu, Rosalynd ?
– Cela pourrait aller mieux. Et les bières aussi, ajoutai-je plus fort en levant mon verre à l’attention de l’aubergiste. Celui-ci leva les yeux de ses papiers et me regarda avec un air amusé.
– Je voudrais que l’on parle de ce qu’il s’est passé dans les Galgals, déclara Amynduilas tout à coup très sérieux.
– Il s’est passé beaucoup de choses dans les Galgals… commençai-je en perdant mon sourire et un peu de ma bonne humeur.

Un peu agacée qu’il commence la conversation sur une note aussi sombre, j’allais lui proposer diverses entrées en matière quand il me coupa.

– Elle m’a parlé… Chandra.
– Oh, réussis-je à dire, m’attendant à tout sauf à ça.
– Juste avant qu’elle ne s’en prenne à Lissenka, tes yeux se sont rivés sur moi, mais ce ne fut pas ta voix qui résonna dans ma tête. Avait-elle le contrôle ?

Il attendait ma réponse.

– Oui, affirmai-je finalement. Et que t’a-t-elle donc dit ?
– Qu’elle allait faire quelque chose pour se libérer et qu’il vaudrait mieux que j’élimine les morts vivants avant qu’ils ne se réveillent, me répondit-il. Il soupira avant de reprendre. A ce moment-là, j’ai dû réfléchir trop longtemps à son goût car quelque chose m’a alors forcé à prendre et à tirer la première flèche.
– Oh, Amyn, je suis terriblement désolée, dis-je avec une parfaite sincérité, posant mon front dans la paume de ma main. Je m’en veux tellement qu’elle t’ait impliqué dans cette histoire.
– Son pouvoir est incommensurable, Rosalynd, reprit-il quelques secondes plus tard. Cela m’inquiète beaucoup, tu dois me promettre que tu feras attention.

Il avança son bras et posa sa main sur la mienne. Je fus touchée par son attention et en oubliai presque de respirer.

– C’est promis, lui assurai-je, bien que je ne fusse pas convaincue moi-même par ces mots.

En effet, je ne savais pas si j’allais pouvoir réussir à garder le contrôle si Chandra venait à refaire son apparition dans mon esprit. Mais ce qui me préoccupait le plus était que malgré le fait que je l’avais arrêtée, j’avais encore cette sensation de pouvoir et de maîtrise qui me picotait les entrailles. Chandra me laissait là un cadeau qui, bien que j’en sache la teneur en poison, me tendait des bras grands ouverts. Je m’étais également sentie moins irritée depuis ce matin, comme si la faire se manifester avait fait baisser une certaine pression. J’imaginais alors que plus je la ferai attendre, plus mon état s’en ferait ressentir. J’étais donc au centre d’un mécanisme dont je ne pourrais avoir que peu de contrôle.

– Et cette Lissenka ? lui demandai-je afin de changer de sujet. Folle histoire… laissai-je alors en suspens, à moitié entre la déclaration et l’interrogation.
– Il n’y a pas grand-chose à expliquer, c’est une rencontre que j’ai faite il y a bien longtemps, qui s’est crue le droit de profiter d’un moment de faiblesse. La même faiblesse résultant de ce que je vois sur cette table, ajouta-t-il en montrant les chopes devant moi.

Je piquai un fard, et ce n’était pas résultant de la bière.

– Depuis, je préfère m’abstenir, conclut-il en croisant les bras.

J’eus soudain besoin d’air. Je me levai de mon banc et commençai à me diriger vers la sortie. Amynduilas se leva à son tour et me retint par le bras.

– Hé, me dit-il doucement, c’est toi qui voulait savoir cette folle histoire… Pardonne-moi si je t’ai froissée, ce n’était pas mon intention. Mais où vas-tu comme ça ?
– Je vais voir la véritable origine de ta faiblesse, lui dis-je en le regardant droit dans les yeux. Et si j’étais elle, je ne souhaiterais pas te voir, donc non, tu ne peux pas m’accompagner, débitai-je ensuite, anticipant ses prochaines questions.

Il ricana brièvement puis me sourit. Ce n’était pas la réaction que j’attendais. Levant les yeux au ciel, je me retournai et repris mon chemin. Je n’avais pas vraiment pensé que j’irai voir Lissenka, mais maintenant que j’étais dehors, cela me sembla une bonne idée. La prison n’était pas à côté de l’auberge, mais il me suffirait de suivre les grandes voies pour y accéder. Je l’avais aperçue la veille alors que nous allions vers les quartiers pauvres à la recherche de la petite fille qui avait enlevé Moela. Il ne me fallut donc que quelques minutes pour y arriver. C’était un grand bâtiment lourdement gardé et dont la fonction ne pouvait être équivoque. Les gros barreaux de fer mis de côté, il y avait de nombreux piloris et carcans à la vue du public, et quelques bandits y étaient attachés pour montrer l’exemple.

Je m’approchai de l’entrée quand je m’arrêtai net. Passant au travers de la grille principale, et sous le nez et la barbe des gardes, qui ne la voyaient pas, la petite fille à la tresse rousse sautillait en affichant un large sourire. En me voyant, elle passa sa main devant la bouche et pouffa de rire. Elle m’envoya alors un clin d’œil avant de se sauver par la droite. Devant mon expression de surprise, les gardes se jetèrent des regards interrogateurs. Quant à moi, je m’interrogeai plutôt sur les raisons de sa visite en cet endroit. Il ne pouvait être question que de Lissenka, et forçant le pas je m’introduis à l’intérieur de l’édifice.

– Hé vous, là, ce n’est pas un horaire de visite ! me héla le gardien.
– Je viens voir l’une de vos pensionnaires, une fille qui… commençai-je.
– Vous êtes sourde ou quoi ? Je vous ai dit que ce n’était pas un horaire de visite, revenez demain !

Tout à coup, nous entendîmes du bruit sur la gauche. Il s’agissait de plusieurs voix de femmes qui criaient. On n’arrivait pas à en comprendre un mot.

– Mais qu’est-ce que c’est encore que tout ce tapage ? ronchonna mon interlocuteur. Restez-là, vous !

Je le vis contourner son bureau pour aller dans la direction d’où provenaient les cris. Après avoir regardé à droite et à gauche – il n’y avait que très peu de personnels à cette heure –, je le suivis à bonne distance. Il s’agissait de l’aile des prisonnières. Quelques torches servaient d’éclairage et je pus voir le visage de quelques-unes des femmes enfermées ici. Elles étaient pour l’instant toutes collées à leur barreau et tentaient de voir dans une cellule un peu plus loin. A mesure que j’avançais, je pus écouter plus clairement ce qu’il se disait.

– … elle a crié tout à coup !
– Qui ça ?
– La nouvelle !

Je pressai encore plus le pas, et m’approchai de l’attroupement de quelques gardes dont la majorité était des femmes. L’agitation me permit de me faufiler entre tout le monde et de voir ce qui se trouvait dans la cellule. Je portai la main à ma bouche, réprimant un cri de surprise.

Lissenka était au sol, elle avait les deux mains près de son cou où j’y vis quelques lacérations. Son visage était figé en une grimace grotesque, ses yeux grands ouverts et terrorisés. Elle ne respirait plus. Les autres détenues essayèrent toutes de raconter ce qu’elles avaient vues, mais cela ressemblait plutôt à un brouhaha sans queue ni tête.

– Toi, là, maugréa le gardien de l’entrée en s’approchant de la cellule voisine et d’une prisonnière qui aurait eu bien besoin d’un brin de toilette. Qu’as-tu vu ?
– La folle s’est mise à hurler, puis elle s’est étranglée toute seule.
– Toute seule ?
– C’est ça, toute seule. Au moins, elle nous fichera la paix maintenant, elle nous a saoulées toute la journée avec ses histoires à dormir debout. Une petite princesse par-ci, un joli prince par-là… c’était écœurant !

Certaines d’entre elles ricanèrent. Quant à moi, j’en conclus que la petite Abigail était venue chercher son dû. Elle l’avait trouvé et était tout simplement repartie. Je quittai la prison sans demander mon reste et retournai à l’auberge, un poids sur le cœur.

Catégories: BG de Lizeth Fanfiction LOTRO

Solena

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